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BRIGITTE AUBER





On n’évoque plus guère aujourd’hui la très intéressante comédienne que fut Brigitte Auber. Pourtant, dans la France libérée de l’après-guerre, elle fut authentiquement une très grande vedette. Et ce qui ne gâche rien, elle s’afficha au générique de quelques films inoubliables. Le moindre n’étant pas « La Main au Collet » d’Hitchcock. Sous le regard de Cary Grant elle y traitait Grace Kelly de  "vielle encore bien conservée". Cette insolence de jeune effrontée symbolise bien ce que fut Brigitte pour le cinéma de son époque : L’image même d’une nouvelle jeunesse libre et libérée. Il n’y avait guère que Danièle Delorme qui pouvait la concurrencer dans l’emploi et ces deux-là déblayèrent la voie royale qu’allait emprunter Brigitte Bardot .


C’est sous l’élégant patronyme de Marie-Claire Cahen de Labzac que naît la future Brigitte Auber. Nous sommes à Paris, le 27 avril 1928. Ses parents sont des bourgeois aisés. Mais des bourgeois bohèmes. Son père écrit et peint, sa mère fut modéliste et sa tante n’est autre que la comédienne Germaine Dermoz. Marie-Claire a une soeur et comble d’ironie cette soeur est piquée de théâtre alors que Marie-Claire a horreur de ça. Régulièrement elle est embauchée par sa soeur pour les représentations qu’elle donne aux invités. Marie-Claire n’accepte que les rôles de boniches. Ca lui permet de « fiche le camp » dès ses répliques prononcées. Etrangement cette soeur à la vocation tenace fera les arts décoratifs au lieu de faire le conservatoire et préfèrera in fine se marier et devenir maman.


Marie-Claire, elle, c’est la danse qui la passionne. Elle fera huit ans de danse classique et c’est parce qu’elle a un défaut de prononciation que son professeur de danse l’incite à prendre des cours de diction. La jeune demoiselle bataille désespérément avec les « J » et les « Ch ». Elle a également tâté du piano comme toutes les petites filles de bonne famille de l’époque mais n’arrive pas à se convaincre d’un talent musical quelconque.

C’est de là que tout va s’enchaîner.

Marie-Claire se pique au jeu.

Brigitte Auber, devançons-la en utilisant déjà le pseudonyme qu’elle choisira elle-même comme tout ce qu’elle fera dans sa vie, a 17 ans lorsque Paris retrouve la liberté de ses lumières. Elle brûle de faire ses débuts ! Au théâtre au cinéma, peu lui importe et le moins que l’on puisse dire c’est que les choses ne vont pas traîner !


Elle décroche une petite panne dans un film à trois sous de Jacques Becker : « Antoine et Antoinette ». Rien de bien palpitant. Elle est une invitée au mariage. Le genre de panne, quand on est jeune comédien où on espère surtout que l’on pourra se goinfrer « pour de vrai » au buffet du décor ! Becker de son côté la trouva nettement moins insignifiante que ce qu’il lui avait donné à faire. Lorsqu’il préparera son film « Rendez-vous de Juillet » deux ans plus tard il se souviendra d’elle et lui offrira un joli rôle au côté de Nicole Courcel et Daniel Gélin. C’est le film d’une génération. La nouvelle. Brigitte se souviendra que les comédiens s’étaient tellement accaparés le film qu’ils se trouvaient tous sur le plateau même quand ils n’avaient pas de scènes et étaient supposés être en congé. C’était un film comme c’était leur maison.

Un jour Becker lance à la cantonade: Il me faudrait un acteur de plus, un grand dadais, beau gosse mais l’air benêt. Brigitte saute sur l’occasion « Bouge pas, j’ai ce qu’il te faut! » Et la voilà partie en courant chercher Maurice Ronet! Ronet n’est pas grand mais il a la beauté du diable et affiche toute la gaucherie d’un débutant. Becker est convaincu. Brigitte et Maurice qui se sont connus au cours d’art dramatique sont plus que des amis ils sont des frangins.

Pour se faire trois sous, l’acteur joue de l’orgue dans les églises. Parfois, quand ils traînent dans les rues sans un sou en poche, Maurice l’emmène à l’église et lui joue de l’orgue durant des heures. Parfois Brigitte se fend d’un « c’est beau! » Plus tard Vadim se souviendra de l’anecdote et la souffle à Clouzot pour « La Vérité ». Sami Frey jouera de l’orgue pour une autre Brigitte: Brigitte Bardot.



« Rendez-vous de Juillet » sera un succès colossal et le film va « lancer » ses jeunes interprètes au sommet du vedettariat français.  En 1951 Brigitte donne la réplique à Jean Gabin dans « Victor » et si la cote du comédien n’est plus au sommet, ca vous pose quand même une comédienne que de donner la réplique au « pacha »!

Pourtant, Brigitte n’est pas contente. En 1952, elle emmène en tournée une vielle lune d’avant guerre autrefois jouée par Valentine Tessier et Claude Génia:  » La femme en fleurs » Et aux journalistes provinciaux ravis d’interviewer une « vedette de cinéma » , Brigitte laissa tomber: « Le cinéma? je m’en fiche, on ne me propose que des navets! à part « Rendez-vous de Juillet » et   » Sous le ciel de Paris » je n’ai fait que ça! »

La jeune vedette n’est pas forcément dupe des opportunités de carrière qu’offre le cinéma français qui peine à surnager dans la déferlante des films américains d’après guerre. Elle habite toujours sa maison natale à deux pas de Saint Germain des prés et s’épouvante à l’idée d’un jour devoir quitter sa maison et son quartier. Et tant qu’à mener une carrière, elle préfère le sérieux d’une carrière au théâtre. Le cinéma la considère encore comme une « nouvelle jeune vedette ». Au théâtre elle a aligné « Georges et Margaret », « Les vignes du seigneur », « La dame de Minuit », « Au petit Bonheur », « Le rayon des jouets » et « Zoé » un triomphe personnel qui l’a menée en tournée plusieurs mois.

Et si le cinéma paie mieux et plus vite elle s’en fiche. Elle est de celles qui considèrent que le confort matériel ramollit. Elle préfère la nature, la forêt, les animaux et aura longtemps un petit ouistiti comme animal de compagnie. Pour le reste, sa chambre de jeune fille lui suffit plus que largement. Elle y reçoit le plus normalement du monde son fiancé, le danseur espagnol Pedro de Cordoba et pousse ses affaires pour faire de la place à sa guitare et ses costumes de scène. En deux ans et demi de liaison, Pedro a fini par apprendre le français qu’il parle très correctement. Brigitte ne pipe toujours pas un mot d’espagnol et n’envisage même pas la moindre leçon de flamenco. « Il y a des choses auxquelles il ne faut pas toucher si on n’est pas espagnole! »



Pour Brigitte Auber, c’est l’année 1955 qui sera l’année du grand tournant. Elle est choisie par Hitchcock pour jouer les rats d’hôtel dans « La Main au Collet ». Il est évident que la jolie petite parisienne plaît beaucoup à Hitch qui après avoir passé une soirée au restaurant à rire avec elle lui saute dessus dans la voiture qui les raccompagne.

Toute la soirée, Hitch lui avait fait miroiter le rôle principal de son film suivant « Mais qui a tué Harry ». Le tournage sur la côte d’azur terminé ils devaient s’envoler pour Hollywood puis gagner la nouvelle écosse à l’automne. Le « Roi du suspens » ne tint pas rigueur du « râteau » que lui avait infligé la jolie Brigitte mais il ne fut plus question de » Qui a Tué Harry ». Quoi qu’il en soit, Hitch s’était bien abstenu de dire à Brigitte qu’il avait promis le rôle à une jeune comédienne qu’il avait découverte et qu’il comptait faire débuter. Une certaine Shirley MacLaine qui piaffait de commencer le film!


A l’époque, Brigitte régale les journaux de ses fiançailles avec un célèbre virtuose au violon. « Je ne vous dirai pas son nom mais ce n’est pas la peine, tout le monde le connaît, il est plus célèbre que moi! » On ne peut hélas pas écouter du violon tous les soirs. Egarée dans une boîte de jazz, la fiancée du virtuose à le coup de foudre pour un jeune fils de Charcutier récemment rentré d’Indochine: un certain Alain Delon.

Follement amoureuse, il ne fut plus question de crincrin il n’y en eut plus dans sa vie que pour le bel Alain. Et le bel Alain en question qui sortait d’une histoire d’amour avec sa voisine de palier qui serait un jour Dalida était si beau et si désœuvré que Brigitte craignant qu’il ne « tourne mal » préféra le faire tourner bien! Elle le présenta à Michèle Cordoue qui trouva elle aussi Alain Delon vraiment très, très bien. Très bien au point de le présenter à son mari le cinéaste Yves Allégret. Allégret s’apprête à tourner « Quand la Femme s’en mêle », il donne au jeune Delon un rôle de porte flingue au côté d’un autre débutant: Jean Lefèvre. Brigitte Auber par contre ne jouera pas sa jeune fiancée débarquée de province. Allégret la trouve bien trop émancipée pour le rôle et fait débuter Sophie Daumier.



Alain Delon et Brigitte Auber ne tourneront jamais ensemble, d’ailleurs ils seront bientôt séparés. Delon va devenir le numéro un du cinéma européen. la carrière de Brigitte s’essouffle. Elle ne trouve plus guère de beaux rôles. Si elle tourne encore deux films en 1956, la magie n’agit plus. La comédienne trop fine pour ne pas voir que sa popularité se ternit préfère passer la main et ne réapparaît plus que de temps en temps à la télévision. Plus rarement encore au cinéma…Cinq films en un demi siècle. C’est peu. Même si elle termine sa carrière dans une super production Hollywoodienne avec Leonardo di Caprio en vedette.

Brigitte Auber est devenue une gentille vielle dame aux cheveux blancs sans regrets ni nostalgie. Elle n’a jamais épousé de violoniste et vit dans un quartier populaire de Paris comme si la gloire et le cinéma ne l’avaient jamais concernée. Lorsqu’elle reçoit des demandes d’interview, elle a la candeur de s’étonner « Pourquoi? Vous pensez que ca peut intéresser quelqu’un? »

En 2005 elle a tourné un court métrage pour aider de jeunes artistes en qui elle voit les grands noms de demain. On peut lui faire confiance! la dame avait du flair! Tout le monde n’a pas fait débuter Ronet et Delon!

Brigitte Auber , largement nonagénaire s’est découvert une nouvelle passion: Le Tai-Chi. Cette gymnastique chinoise pouvant se pratiquer à tout âge, lorsque le temps le permet, elle donne une leçon aux retraités de son quartier dans le parc en face de chez elle. Gratuitement il va sans dire.

Celine Colassin




QUE VOIR?

1947: Antoine et Antoinette: Avec Claire Maffei et Noël Roquevert

1948: Les Amoureux sont Seuls au Monde: Avec Dany Robin et Louis Jouvet

1949: Rendez-vous de Juillet: Avec Daniel Gélin, Nicole Courcel et Maurice Ronet

1951: Victor: Avec Jean Gabin

1951: Sous le Ciel de Paris: Avec Jean Brochard et François Périer

1955: To Catch a Thief: Avec Grace Kelly et Cary Grant

1955: Les Aristocrates: Avec Pierre Fresnay

1956: Ce Soir les Jupons Volent: Avec Sophie Desmarets et Jean Chevrier

1956: Lorsque l’enfant Paraît: Avec Gaby Morlay

1959: Mon Pote le Gitan: Avec Jean Richard et Louis de Funès

1970: Le coeur fou: Avec Madeleine Robinson et Michel Auclair

1982: Mon Curé chez les Nudistes: Avec Paul Préboist et Georges Descrières

1998: The Man in the Iron Mask : Avec Anne Parillaud et Leonardo di Caprio

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