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FRANCES FARMER




Frances Farmer est une de ces actrices dont la légende a éclipsé la carrière professionnelle, voire la réalité. Frances Farmer n'ayant hélas pas comme miss Joan Crawford quelques "inoubliables" à son palmarès filmé pour nous rappeler son art à notre bon souvenir, son talent s'oublie. Il y a plus d'un demi siècle que Frances Farmer s'en est allée enfin débarrassée de ses démons. Pourtant "son cas" est toujours analysé, commenté, raconté. En ce sens elle est un peu la Marilyn de la dérive.


Frances Elena Farmer vient au monde  le 19 septembre 1913 à Seattle. Seattle est au au nord de Washington et la famille Farmer vit au nord de Seattle. Autant dire qu'ils sont plus proches de la baie de Vancouver que de la maison blanche. Ses parents, Lillian et Ernest ont déjà 3 enfants à la naissance de Frances qui restera leur cadette. Frances Farmer a donc une soeur et deux frères.

A la naissance de la petite dernière ses parents ne s'entendent déjà plus très bien. C'est ce que l'on appellerait aujourd'hui une famille dysfonctionnelle. D'ailleurs, lorsque Frances n'a encore que quatre ans, sa mère plaque tout et quitte Seattle pour aller s'installer chez sa soeur à Los Angeles, ses enfants sous le bras. Une période compliquée où semble il Lillian Farmer essaie de prendre sa vie en mains sans y réussir. Nous sommes en 1917, il y a une guerre en Europe, du travail pour les femmes en Amérique. Ca ne veut pas dire pour autant qu'il y des salaires pouvant permettre à des femmes de vivre avec 4 enfants. Au bout de deux ans, Lillian renvoie ses enfants chez leur père Seattle, estimant sans doute qu'elle se débrouillera mieux sans charge d'âme. l'année suivante, c'est elle qui rentre au bercail!



Frances Farmer fut aussi la plus jolie petite fille du monde.

Le couple Farmer ne va pas se réconcilier mais vivre "séparés" dans la même maison, ne communiquant qu'à propos du ménage et des enfants.

On ne sait rien des années passées à Los Angeles par Lillian Farmer. Il n'est pas impossible qu'elle ait essayé sans succès de sa faire une place au cinéma alors fraîchement débarqué de la côte Est et qui engage à tour de manivelle. Bien que peu fortunée elle fit faire de très beaux portraits de sa fille. Est-il possible qu'elle ait tenté de proposer les services de l'enfant à la caméra puisque la mode des enfants stars fait fureur? Ca ne la rendrait pas tellement différente de toutes les autres mères de famille aux abois sur la côte Ouest. Rien ne confirme, rien n'infirme cette hypothèse.

A ceci près qu'à l'époque tout qui cherchait du travail à Los Angeles le cherchait dans cette Hollywood naissante. On sait par contre que cette mère de famille était folle de cinéma.

Lorsque sa fille entrera en conflits avec les studios elle donnera toujours raison à ces derniers contre sa propre fille. A ses yeux le directeur de la Paramount c'était bien plus important que dieu et sa fille aurait dû lui baiser les pieds plutôt que de faire ses "simagrées".


Frances a 16 ans lorsque ses parents finissent quand même pour divorcer. Lillian repart, telle un yoyo fou et s'installe cette fois à Washington. L'Amérique vient d'être frappée par le crash boursier du siècle. Drôle d'époque pour "refaire sa vie" alors que les soupes populaires sont les endroits les plus fréquentés du pays.

A l'époque on ne se soucie absolument pas de l'impact psychologique que peut avoir sur les enfants l'instabilité des parents. Frances a vu plusieurs fois sa vie complètement chamboulée du jour au lendemain sans explications puisqu'à l'époque on n'explique pas aux enfants.

Un enfant doit être propre, obéissant et poli. Il doit donner satisfaction aux parents mais l'inverse n'existe pas.

Le devoir des parents est de nourrir, habiller et éduquer. Aimer pourquoi pas, mais se justifier? s'expliquer?


La jeune Frances nourrira très vite un fort esprit d'indépendance. Elève assidue au collège, elle se passionne également pour le théâtre. Passion qui lui vient probablement de sa mère. Scolarisée à Seattle, Frances participe à toutes les représentations théâtrales du collège et se fait vivement remarquer avec sa thèse de fin d'études dont elle a emprunté le titre à Nietzche:  "Dieu est Mort". L'affaire, publiée par "Scolastic magazine" fit grand bruit et elle fera grand cas dans les épisodes "médicaux" tout au long de la vie de Frances. La jeune fille quant à elle, commentait à propos de ce fameux titre propre à outrager l'Amérique alors très puritaine "Je ne suis pas qualifiée pour dire que dieu existe ou n'existe pas ni qu'il est mort ou vivant. Par contre je peux affirmer une chose c'est qu'il ne s'intéresse absolument pas à moi et que je ne m'intéresse absolument pas à lui non plus!"

Dans l'Amérique d'alors qui lynche les "nègres" mais ne raterait la messe du dimanche pour rien au monde, c'est un blasphème puisque toute jeune fille américaine est censée être chrétienne. Lillian, la mère de Frances est mortifiée elle aurait préféré un million de fois que sa fille participe à un concours de beauté ou soit élue miss Seattle! Des activités dignes d'une jeune fille "bien" en somme!



Madame Farmer mère va avoir encore bien plus de raisons encore de s'épouvanter. En 1931, Frances est à l'université de Washington. Elle travaille comme ouvreuse dans un cinéma le soir pour payer ses cours et en usine les week-ends et les vacances. Sa volonté farouche d'être libérée des tutelles, qu'elles soient religieuses ou familiales est déjà le moteur premier de sa jeune vie. Elle participe assidûment à toutes les représentations théâtrales de son université. Elle écrit des articles, essentiellement pour des journaux de gauche en tant que pigiste. C'est la qualité de ces articles (et non son essai intitulé "Dieu est mort") qui lui vaut du journal "The Voice of Action" une invitation pour un voyage à Moscou pour y étudier l'approche artistique et théâtrale moderne en URSS. 

Les Russes! Les Rouges! Les Bolcheviks! Sa mère faillit en crever d'horreur sur place. Ce qui incita la jeune Frances à faire son maigre paquetage encore trois fois plus vite. Frances est diplômée de l'université de Washington en journalisme et théâtre. C'est son voyage de fin d'études. Une aubaine.

Elle l'a gagné, elle ne l'a pas volé et elle compte bien en profiter!

Pour sa famille et par extension pour tout l'état de Washington, c'est une communiste qui nie l'existence de dieu! Que n'est-on plus au bon temps des procès de Salem. Elle aurait vu de quel bois l'Amérique se chauffe! Au sens propre du terme.


A son retour, sa vie va entrer dans la spirale infernale qui la conduira à sa perte avant sa fin. Frances s'installe à New-York où sa sulfureuse réputation ne l'a pas précédée. Elle compte trouver un travail dans un journal pour assurer sa survie et courir les auditions de Broadway. Un des premiers producteurs qu'elle rencontre est Oscar Serlin. Nous sommes en 1936. En 1939 Serlin produira le spectacle qui le fera entrer au Guinness book des records comme le "le spectacle non musical le plus longtemps joué en Amérique": "Live with Father". En 1936 il n'en est pas encore là. Mais dès qu'il voit Frances il estime qu'elle serait mieux servie sur un écran que sur une scène et la recommande à un talent scout de ses amis qui est "en chasse" pour le compte du studio Paramount. Serlin a vu juste. Frances est immédiatement prise sous contrat de 7 ans sur base d'un bout d'essai tourné à la va vite dans un bureau New-Yorkais.

Ce jour là elle ne pouvait qu'être satisfaite mais que dire de sa mère dont ce fut le plus beau jour de sa vie! Frances Farmer emménage à Hollywood pour souffler les 22 bougies de son gâteau d'anniversaire.

Les choses semblent être idylliques. La Paramount la teste immédiatement dans deux films. De vrais rôles sans passer par la case figuration. Ce sont deux succès. La nouvelle venue est prometteuse. Prometteuse et amoureuse. Elle épouse son partenaire le très beau Leif Erickson. L'année 1936 aura été celle de tous les bouleversements. La jeune new-yorkaise seule et sans travail du début d'année est au nouvel an suivant une femme mariée et vedette à la Paramount! La Paramount où sévissent déjà Mae West, Marlène Dietrich, Claudette Colbert, Paulette Goddard et Carole Lombard! Un studio de "dames!"

Mais dans ce studio de "dames", Frances va rapidement faire "tache"!



Excédée par le temps que l'on perd à se faire "pomponner", elle n'entend pas jouer les prolongations en dehors du studio. Elle refuse les soirs de premières et les interviews. Elle n'entend être actrice qu'au studio.  Le reste du temps elle se balade en bleu de travail et conduit une vielle Ford d'occasion d'un vert hideux aussi cabossée que démodée. Hollywood est littéralement outré, trahi!

Bien que dans quelques mois, Ingrid Bergman fera exactement pareil et que l'on trouvera celà du dernier chic!

Pire encore! Le tacot vert de Frances était une décapotable, celui d'Ingrid sera un break bas de gamme!

Paramount la prête à d'autres studios, quelle aubaine de l'envoyer travailler ailleurs et de ne plus entendre ses jérémiades.  Or Frances Farmer ne geint pas mais se révolte contre ce qu'on lui demande. Elle ne comprend pas pourquoi lorsqu'elle incarne un personnage hostile elle doit quand même séduire et roucouler comme une délicieuse petite colombe. Pourquoi  ne pas s'inspirer plutôt d'un scalpel dans une morgue que d'une clochette de muguet au bord d'un étang où s'aiment des cygnes roses! Etre une glamour girl ne l'intéresse pas. Surtout s'il faut trahir le personnage à interpréter. Une garce doit être une garce même avec l'apparence d'un ange. Le regard doit glacer, pas papillonner!.

C'est la guerre chez Paramount

Et il convient de dire que Paramount connaissant son affaire n'a pas tort. A l'époque c'est ce que le public veut voir. C'est pour celà qu'il paye et c'est pour lui offrir cela que la Paramount existe. Après ses premiers succès le public qui s'était entiché de Frances la trouve froide, hautaine, distante désagréable ce qu'elle est la seule à prendre pour des compliments puisqu'elle a joué la froideur et la distance de femmes désagréables.

Ces petites querelles entre employeurs et employées, entre artiste et producteurs prennent bien plus d'importance pour Frances que pour n'importe qui d'autre. En 1937 elle demande son congé sans solde et part travailler à New-York avec une troupe. Celle du dramaturge Clifford Odets alors mari de la star retirée Luise Rainer. Bien plus heureuse dans ce nouvel univers, Frances joue à Broadway "Golden Boy". Succès public énorme mais critiques très mitigées ce qui, là aussi l'ébranle bien plus que n'importe qui d'autre. Prolongeant son congé Paramount elle mène la pièce en tournée à travers tout le pays. Cette période qui devait être heureuse ne l'est pas.



Elle a une liaison avec Odets qui refuse de quitter Luise pour autant. Par contre cette aventure se sait à Hollywood et menace son mariage. L'idée d'être toujours une actrice sous contrat Paramount et de ce fait pas entièrement libre de ses faits et gestes la tenaille. L'idée d'abandonner sa troupe sur un simple claquement de doigts du studio la dévore d'angoisse. Et puis les critiques qui ne sont pas ce qu'elle espère la blessent plus que de raison.

Frances commence à boire. Joyeusement d'abord, au dîner, avec la troupe, après le spectacle, du vin californien , du champagne français. Puis le soir seule dans sa chambre de la vodka, du bourbon, du gin.

Son équilibre est de plus en plus fragile il va se briser à la prochaine déception. Elle a demandé en tremblant la permission  à la Paramount pour emmener "Golden Boy" en tournée en Europe. La réponse qui a tardé a ruiné sa résistance nerveuse. Mais lorsque le studio accepte, c'est Odets qui la congédie.

Elle ne fera pas la tournée européenne, Odets "choisit" la fille d'un des financiers du spectacle! Frances perd son rôle, son amant, son mari et n'a plus qu'à rentrer à Hollywood où...On ne l'attend pas puisqu'on la croit sur scène à Londres.

Il n'y a pas un seul projet où la jeter.

Pour une fois qu'elle était prête à tout jouer!

Reste l'alcool.


Paramount a déjà tourné la page Frances Farmer. Elle n'est plus "celle dont on va faire une star" Elle est comme une Virginia Grey. Une actrice sous contrat à qui on donne des rôles quand ils ne conviennent pas aux grandes dames. Frances est mortifiée. Elle devient paranoïaque, persuadée qu'on ne s'intéresse à elle que lorsqu'elle est susceptible de rapporter de l'argent. Elle était bien la seule à croire qu'à Hollywood ou à Broadway on faisait de l'art et non du business exactement comme chez Ford!

En 1940 son comportement erratique et ses dépendances commencent à se savoir. Sans explications elle a abandonné un spectacle sur Broadway. Elle est revenue se plaindre chez Paramount, s'est faite prêter à d'autres studios, jouant les garces entre Tyrone Power et George Sanders dans "Son of Fury". Joli film d'aventures en noir et blanc où il est surtout question de monter la belle Gene Tierney en sarong.



Et puis il y a une guerre en Europe. L'industrie du film américain a perdu d'un coup le marché de tout un continent. C'est bien le moment de s'intéresser aux états d'âme d'une actrice "difficile". Clifford Odets rentré dare-dare d'Europe avant les premiers dangers lui offre un rôle. Elle l'envoie paître avec une violence sidérale. Puis un peu calmée elle prétend devoir rester à Hollywood pour remanier sa carrière. En fait sa carrière est au point mort et elle divorce.

Le 19 octobre 1942.

Frances Farmer, actrice divorcée et sans emploi voit poindre sa fin. Arrêtée sur la Highway de Santa Monica parce qu'elle roule phares allumés en plein black-out, l'actrice est sans papiers et ivre au volant. Elle insulte les agents pour plusieurs générations et se retrouve en état d'arrestation. C'est monnaie relativement courante à Hollywood que des actrices ivres s'en prennent aux représentants de l'ordre mais l'affaire va prendre, de la seule faute de Frances une tournure complètement différente.

Condamnée à 180 jours de prison avec sursis et 500$ d'amende, le juge la libéré bien  qu'elle n'ait que 250$ sur elle contre la promesse de venir régler le solde au plus tôt.

Ce qu'elle ne fera pas.


En janvier 1943 elle est arrêtée dans un hôtel de Los Angeles. Mais cette fois, elle est sous le coup d'un mandat d'amené. Non seulement pour n'avoir pas payé le solde de sa caution mais pour avoir ce dont elle ne se souvient pas, tabassé un coiffeur de chez Paramount jusqu'à lui avoir fracturé la mâchoire!

Littéralement hystérique lors de son arrestation, elle est "mise au frais" jusqu'au lendemain matin où elle est amenée en salle d'audience. Après être restée prostrée comme si elle ignorait absolument où elle était voire même qui elle était. Elle est soudain entrée dans une rage folle hurlant qu'on avait bafoué ses droits. Le juge s'en tenant quitte avec l'encrier qu'elle saisit et qu'elle lui lance en pleine tête! Dans sa rage, elle dévoile une force musculaire ahurissante à un point tel qu'elle réussit à traîner toute une grappe de policiers qui tentent de la maitriser jusqu'à une cabine téléphonique du couloir d'où elle veut appeler au secours. Il y a hélas toujours des journalistes dans les couloirs des tribunaux de Los Angeles, on y croise bien plus de célébrités que sur Hollywood Boulevard. Ceux qui étaient présents ce jour là s'en donnèrent à coeur joie.


A Hollywood il n'y a pas que les studios qui fonctionnent avec une mécanique bien rodée. Toute la ville travaille en osmose. Lorsqu'un journaliste a une information ou mieux encore des photos compromettantes pour une célébrité, bien avant de courir au journal faire publier son papier, il se présente d'abord au studio où on lui rachètera peut-être à un prix fabuleux une information compromettante sur Joan Crawford ou Clark Gable. Mais chez Paramount les photos de Frances Farmer ne trouvèrent aucun preneur. Son contrat allait expirer dans quelques semaines, qu'elle se débrouille, qu'elle assume.

Et c'est comme ca que les photos du scandale entrèrent dans l'histoire du film.



Grâce aux efforts d'une de ses belles-sœurs qui travaille au bureau d'un shérif, Frances sera sortie de prison pour être placée "en observation" dans une clinique. Elle y sera diagnostiquée souffrant de psychose maniaco-dépressive à tendance paranoïaque. Par contre il n'est aucunement question d'alcoolisme ou de dépendances quelconques aux drogues. Il semble que Frances Farmer ait été de ces femmes qui savaient boire sans tomber dans l'addiction. Entre la prison et une maison de santé, la Paramount va inciter la mère de Frances a signer pour son internement. C'était moins dégradant et ne pourrait lui faire que du bien. Lillian signera en bénissant le studio pour lui avoir prodigué de tels merveilleux conseils.

Frances Farmer qui aurait dû passer 6 mois sous les verrous et en aurait peut-être fait trois va rester internée plus de 9 ans avec une période ininterrompue de cinq ans.

Après neuf mois d'enfermement, Frances gavée d 'insuline s'enfuit de l'institut et se réfugie chez sa soeur. Devant le physique dévasté de Frances, sa soeur appelle leur mère pour la supplier d'intervenir. Lillian promet d'intervenir mais à la condition que Frances "se rende" pour ne pas envenimer les choses.

Le 13 septembre 1943, Frances est confiée à sa mère après avoir été internée une seconde fois "en attendant" . Les deux femmes prennent le train pour Seattle. Mais Frances est dévastée physiquement et anéantie psychiquement. Sa mère veut encore voir en elle sa ravissante petite fille si belle sur les photos Paramount. Les retrouvailles se passent mal, Lillian fait ré interner sa fille. Elle a été dit-elle brutalisée par sa propre enfant incontrôlable. Cette fois elle est internée à Seattle, loin du bocal de poisson rouges qu'est Hollywood pour ses stars déchues.


Alors que sa mère jure ses grands dieux que sa fille est complètement cinglée et folle dangereuse, celle-ci est libérée de son troisième enfermement et confiée à son père. Ses médecins la déclarent "absolument normale". Tout semble aller pour le mieux entre eux et puis soudain elle échappe à sa surveillance. Elle se réfugie quelques temps dans une famille qui l'accueille après l'avoir prise en auto-stop. Un brève parenthèse avant qu'elle ne soit arrêtée pour vagabondage en Californie. Arrêtée et internée pour la quatrième fois.

Ses photos font à nouveau la une mais cette fois le public est ému de tant de désespérance; Des offres d'aide du monde entier affluent.



Frances refuse.

Sa mère encore une fois est scandalisée!

Cracher sur l'argent après avoir craché sur la Paramount! Elle qui avait joué avec Cary Grant et Tyrone Power!

Plus tard sa mère jurera avoir toujours défendu sa fille envers et contre tout. Elle jurera n'avoir jamais signé aucune demande ni autorisation d'internement et au contraire s'y être opposée avec toute sa rage de mère aimante. Pourtant c'est bien à la demande de sa mère que Frances est à nouveau colloquée alors qu'elle se reposait paisiblement chez une de ses tantes au Nevada. Et cette fois, c'est pour cinq ans. C'était en Mai 1945, on ne la reverra plus avant 1950.

Le temps avait passé, on avait oublié jusqu'à l'existence de Frances Farmer. A peine l'évoquait on encore lorsque l'on parlait de ces actrices qu'Hollywood avait détruites. Et puis l'émission de télévision qui remettait en lumière des reliques du passé "This is your Life" va inviter Frances. Ce sera l'émission la plus mémorable avec celle de Lilian Roth venue tout dire sur sa descente aux enfers de l'alcoolisme.

Frances est belle encore. Belle et digne. Un peu arrondie dans son petit tailleur sombre, son sac sous le bras un foulard serré autour du cou. Et dans le regard, dans la voix une immense, une incoercible tristesse. Ce passage à la télévision en 1958 va la remettre un peu dans la lumière. Sa vie a déjà inspiré un livre, une pièce de théâtre mais on est loin, bien loin de la vérité.

"Libérée" et confiée aux bons soins de sa mère, Frances était rentrée à Seattle en 1950. Elle y avait trouvé un emploi à la lingerie d'un grand hôtel de la ville, l'hôtel Olympic. Les facéties du destin faisant que c'est dans ce même hôtel qu'elle avait été fêtée comme une star le soir de la première de son film "Come and Get It" en 1936.

Frances s'était remariée avec un ouvrier, Alfred H. Hoblet. mais sur son passage, les gens se poussaient du coude à Seattle. On se montrait la star d'Hollywood, celle qui avec tout perdu, qui était zinzin et qui maintenant travaillait comme boniche. Alors Frances s'en alla, se fondre dans un anonymat plus profond encore; travaillant comme secrétaire pour un photographe dans une petite ville de Californie.



En 1957; Frances a encore déménagé. Elle a quitté la petite ville d'Eureka pour San Francisco où elle est réceptionniste à l'hôtel Sheraton. Un déménagement et un nouvel emploi qu'elle doit à un producteur d'Indianapolis, Leland Mikesell. C'est lui qui en échange de son aide la convainc de raconter son histoire. L'article qui parait provoque la stupeur, la curiosité et enfin l'engouement. C'est à partir de cet article que s'écrit une pièce, un livre et que Frances est invité à la télévision. Son apparition à la télévision fait d'elle une sorte de "star phénomène" comme le sont les idoles des tubes de l'été. On la revoit à la télévision où elle joue en direct et même dans un film, sorte de baroud d'honneur.

Frances se remariera une ultime et très brève fois avec son producteur en 1959. Mais quelques mois plus tard ils sont en procédure de divorce et accessoirement en procès pour rupture de contrat. L'émission "Frances Farmer présents" que Mikesell produisait pour elle s'arrête.

Frances Farmer continuera sa carrière d'actrice sur les planches, alternat les succès et les périodes erratiques dans sa vie privée. Alors qu'elle triomphe dans "la visite de la vielle dame", rôle que tiendra Ingrid Bergman à l'écran, elle fait une sortie de route avec sa voiture et verse dans le fossé. Lorsque la police arrive, Frances est au milieu de la route, ivre et débitant son texte.

Frances Farmer fut diagnostiquée souffrant d'un cancer de l'œsophage au printemps 1970. Le premier aout elle décède. Vingt jours avant d'avoir 67 ans. 67 ans seulement.

Après sa mort comme après celle de James Dean la culture populaire va s'emparer de Frances Farmer et en faire une véritable légende urbaine. Essentiellement sur foi d'une biographie très exagérée où l'on prétendait entre autres exagération qu'elle avait été lobotomisée. Cette affirmation est démentie par ses proches, par le personnel hospitalier, les documents d'époque et finalement par les auteurs de la biographie eux-mêmes qui affirmeront "avoir exagéré certaines choses". C'est malheureusement cet ouvrage qui servira de matière au scénario de "Frances" un biopic qui lui est consacré en 1982 et qui vaudra une nomination aux Oscar à Jessica lange pour avoir incarné Frances. Si l'intervention fut effectivement envisagée, sa famille refusa son accord. Epouvantée à la fois par la violence de l'acte et les séquelles irréversibles entraînées. Et si elle avait eu lieu, Frances Farmer n'aurait plus jamais été capable de tenir un rôle sur scène devant un public avec une telle maîtrise et un tel talent.

Celine Colassin



QUE VOIR?

1936: Too Many Parents: Avec Lester Matthews

1936: Come and Get It: Avec Joel McCrea et Andréa Leeds

1936:Border Flight: Avec John Howard et Robert Cummings

1937: The Toast of New-York: Avec Cary Grant et Edward Arnold

1937: Exclusive: Avec Fred McMurray

1938: Ride a Crooked Mile: Avec Akim Tamiroff et Leif Erickson

1940: Flowing Gold: Avec John Garfield

1941: World Première: Avec John Barrymore

1941: Among the Living: Avec Susan Hayward

1941: Badlands of Dakota: Avec Ann Rutherford et Robert Stack

1942: Son of Fury: Avec Tyrone Power et Gene Tierney

1958: The Party Crashers: Avec Connie Stevens et Bobby Driscoll

 

 

 

 

 

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