Ingrid Bergman naît à Stockholm le 29 Août 1915. Sans être particulièrement riches, ses parents font partie de la bourgeoisie. Son père est photographe et a même son propre atelier d’amateur éclairé. Avant elle, ses parents ont eu deux enfants. Morts tous les deux à la naissance. Ils avaient alors renoncé à l’idée d’avoir d’autres enfants et sept ans s’étaient écoulés avant que Friedel soit de nouveau enceinte et donne le jour à Ingrid.
Le père d’Ingrid est un des premiers en Suède à posséder une caméra. Dès que cette nouvelle invention est commercialisée il s’est rué. Il en a les moyens. Ces petits engins coûtent une petite fortune.
Ravi, il filme sa petite fille sans relâche, fixant pour l’éternité les débuts dans la vie de la future star.
La fête de son premier anniversaire fut notamment un vraie débauche de pellicule.
Le troisième anniversaire de la petite Ingrid ne sera pas fêté mais malgré tout filmé. Devant la tombe couverte de fleurs de sa maman décédée peu de temps auparavant.
Il est difficile de savoir à quel point cette disparition a pu troubler la petite fille.
Ingrid va peu à peu se réfugier dans un univers personnel et fermé.
Elle joue comme les autres enfants, mais seule.
Ou plus exactement, elle est son propre jouet.
Certains jours elle est une danseuse, ou une princesse, ou un chien !
Justus, le père d’Ingrid, voit les jeux étranges et solitaires de sa petite fille d’un bon œil.
Pour cause : ils nécessitent une imagination débordante et les bonnes imaginations font les bons artistes !
L’éventualité de voir sa fille devenir une artiste l’enchante au plus haut point.
Cantatrice serait l’idéal. Le plaisir qu’il prend à la filmer n’est pas étranger à ce qui devient certitude. Ingrid sera une artiste.
Elle l’est déjà.
Elle est d’un tel naturel devant la caméra. elle n’a pas son pareil pour séduire l’objectif, capter l’intention, se rendre intéressante.
Le père et la fille ont presque une relation à trois. Lui, elle et l’objectif.
C’est à un point tel que lorsqu’Ingrid saura lire et écrire, il trouvera inutile qu’elle perde encore du temps à l’école à se farcir la tête d’histoire et de géographie alors qu’il pourrait lui offrir des leçons particulières de musique et de chant.
C’est la petite fille elle-même qui doit insister pour continuer l’école !
Jamais cependant, les vœux d’un père n’auront été aussi magnifiquement exaucés.
Mais Justus ne le saura jamais.
Il décède alors qu’Ingrid n’a que huit ans.
La petite fille est d’abord confiée aux bons soins d’une de ses tantes restée vieille fille et ravie de cette juvénile compagnie que le malheur lui apporte. Même si elle est plutôt déroutée par cette étrange gamine qui imite les plantes vertes !
Malheureusement, cette brave dame va décéder à son tour, renversée par une automobile. Ingrid se retrouver chez d’autres parents.
Suffisamment évolués en la très superstitieuse Suède de l’époque pour ne pas se dire que la jeune fille porte la poisse.
Il faut dire qu’elle n’est pas encombrante avec ses livres et ses jeux solitaires. De plus, elle est bonne élève à l’école. La reine des « bons points » et elle se montre particulièrement douée pour les langues.
Ingrid parlera l’Anglais, le Français, l’Italien et l’Espagnol en plus du Suédois et tout aussi naturellement.
A dix-huit ans, la jeune fille qui ne demande jamais rien à personne surprend toute la maisonnée en se plantant devant son tuteur pour demander de l’argent !
Le prix d’inscription pour une école d’art dramatique. Devant l’air inébranlable d’Ingrid et par respect pour le souvenir de Justus si fier de la vocation artistique de sa fille, Ingrid obtient ce qu’elle demande.
On parle beaucoup à Stockholm de cette étrange Suédoise devenue la reine du cinéma : Greta Garbo. Toutes les jeunes filles qui s’inscrivent aux cours cette année là se sont glamourisées, Hollywoodisées, Garbotisées pour impressionner le jury d’entrée.
Ingrid s’est lavée, peignée et brossé les dents.
Comme tous les jours. Ni plus ni moins. Les autres filles gloussent un peu jusqu’à ce que le directeur de l’école s’adresse à Ingrid : « Ma chère, je crois que vous ne ferez plus jamais une entrée aussi sensationnelle dans toute votre carrière ! »
Ingrid va mener ses études avec le plus grand des sérieux, voire même avec acharnement.
Construire, toujours construire, voilà son mot d’ordre. Son jeu s’affine. De plus en plus précis.
Chaque geste, chaque regard, chaque intonation, tout est pensé, calculé. Tout est intellectualisé, préparé puis rendu avec un naturel incroyable.
Comme s’il s’agissait alors d’une émotion, d’une réaction normale, instinctive et non préméditée.
Il en sera toujours ainsi, l’actrice la plus « naturelle » de son époque sera probablement celle qui travaillera le plus ses rôles.
Après avoir conquis ses professeurs, Ingrid va conquérir le public.
Elle fait ses premiers pas d’actrice professionnelle.
Le succès est au rendez-vous.
Le cinéma Suédois se porte bien. Il fait et refait appel à ses services.
Ce qui ne va pas sans mal.
Ingrid est nouvelle venue aux cours d’art dramatique.
Des élèves sont là depuis près de cinq ans. Selon la direction et le règlement, c’est à elles que l’on doit donner une chance, pas à une petite débutante encore ignorante de tout.
La direction refuse.
Si Ingrid joue, elle sera renvoyée de l’académie.
Au cours d’un entretient houleux avec la direction, la jeune Ingrid, jusque là timide et influençable, rougissant pour un rien est prête à renoncer à sa chance, trouvant les arguments qui lui sont avancés logiques et percutants. Et puis son interlocuteur va commettre l’erreur fatale : il donne un ordre à Ingrid.
« Je vous interdis de le faire ! »
Le sang suédois se met aussitôt à bouillir. « Au nom de quelle autorité ? Vous ne me payez pas pour être ici, vous n’avez aucun droit sur moi ! Merci de votre ordre, c’est lui qui me dicte ma décision. Je pars ! »
En quelques films, Ingrid est une vedette. Son nom à l’affiche attire le public, son somptueux sourire fait régulièrement la une. Après avoir déambulé dans les rues avec des airs de sphinx à la Greta Garbo, les jeunes filles suédoises vont se démaquiller et laisser flotter leurs cheveux à la Ingrid Bergman. La jeune actrice est fière, bien entendu de ce résultat aussi rapide que magnifique. Mais il lui semble avoir fait déjà le tour de ces personnages romanesques et bien astiqués qui lui sont confiés et que le public adore la voir interpréter. Elle va batailler pour obtenir un rôle « pas fait pour elle ». L’obtenir et provoquer un scandale national !
La si belle et si douce Ingrid devient dans « Femme Marquée » une créature sordide et avide de vengeance. Le visage horriblement défiguré, balafré par une insulte à sa saine beauté.
Le public est complètement scandalisé ! Ingrid défigurée !
Le plus beau visage de la Suède ravagé, balafré ! Pourquoi ?
Parce qu’Ingrid Bergman ne craint qu’une chose : la banalité. La routine et l’enlisement.
Elle préfère tout briser et passer à autre chose.
Quitte à se briser elle-même. Il en sera toujours ainsi.
Le rôle a probablement été très dur à préparer pour la jeune Ingrid. Le personnage ne cesse de se mettre en colère pour un oui ou un non, insultant tout le monde et brisant les miroirs autour d’elle. Hollywood stupéfié en fera un remake avec Joan Crawford dans le rôle.
Toute sa vie durant, Ingrid Bergman ne laissera jamais apparaître sa colère devant qui que ce soit, attendant d’être seule pour se jeter sur son lit et pleurer les larmes de son corps. Elle avouait volontiers qu’elle aimerait exprimer sa colère au moins une fois dans sa vie mais n’y réussit jamais. Ingrid qui s’embourgeoisait dans ses rôles s’embourgeoise aussi dans la vie. Elle épouse le docteur Peter Lindström et met au monde sa fille Pia. Tout sourit à la jeune maman à l’affiche du plus gros succès suédois de l’année : « Intermezzo ».
C’est une période heureuse. Ingrid est follement, éperdument amoureuse de son mari.
Bientôt elle vouera une adoration sans limites à sa fille. En attendant, les jeunes mariés s’offrent un tour d’Europe en voiture comme voyage de noces. Ils vont se retrouver complètement sidérés devant des cohortes de jeunes nazillons défilant dans les rues d’Allemagne.
Ingrid les regarde passer. Elle a gardé comme son bien le plus cher la caméra adorée de son papa. Durant ce voyage, elle la confie à son mari comme si c’était son âme qu’elle remettait entre ses mains. Comme si elle lui transmettait la charge d’être l’homme qui la protège dans sa vie. Grâce à cette confiance, il existe des images qui seraient vraiment hilarantes si elles n’étaient pas si porteuses de promesses sordides qu’on est alors loin d’imaginer.
Dans une petite ville Allemande, Peter qui n’a jamais vu ça filme comme une curiosité touristique un peu ridicule une cohorte de jeunes nazillons défilant au pas cadencés au milieu de la rue. Les passants s’écartent en les saluant d’un air martial et convaincu.
La voiture du couple de tourtereaux suédois est garée sur le côté. Ingrid s’est effondrée sur la voiture, bouche ouverte, se tenant le front. Son expression atterrée déborde de sidération, d’effarement, de désespoir et d’un peu de détestation. Elle est incapable de faire bonne figure ni même de les ignorer. Elle les contemple, atterrée, choquée refusant de croire en ce qu’elle voit tellement ce groupe de jeunes embrigadés faisant claquer leurs bottes et exiger le salut la révolte, la dégoûte et la désespère.
En attendant, le succès d’Intermezzo est mondial.
Il est tel que David O Selznick a racheté les droits du film pour en tourner la version Américaine avec Leslie Howard. Tout naturellement, il invite Ingrid à Hollywood pour un test.
Sans doute a-t-il dégotté la nouvelle Greta Garbo. Ingrid accepte, débarque à Hollywood.
On peut s’étonner qu’Ingrid Bergman, jeune mariée et jeune maman accepte la proposition de Selznick avec un empressement qui pourrait à la limite passer pour de la désinvolture puisqu’elle laisse sa petite famille derrière elle. Il faut savoir qu’Ingrid ayant passé de nombreuses vacances en Allemagne durant son enfance chez sa grand’mère maternelle et qu’elle maîtrisait donc parfaitement la langue. Le pays était cher à son cœur d’où le voyage de noces en Allemagne. L’Allemagne dont le cinéma est florissant avait fait appel à ses services et la jeune actrice épouvantée avait assisté à la fureur de la montée nazie. Cette triste expérience du défilé militaire auquel elle avait assisté l’a fortement incitée à accepter l’offre Américaine.
Le jour du test crucial, tout le staff maquillage du studio est sur le pied de guerre. Que va-t-on faire de cette grande perche Suédoise pour qu’elle colle au goût du public Américain ? Son nez et ses dents sont trop longs, son front trop court, que fait-on de cette bouche ? De ces sourcils ?La perche Suédoise en question se lève : « Voici mon nez, mes dents et mes sourcils, ils sont comme ils sont et ils sont à moi, vous avez fait venir ce nez, ce front et ces sourcils de Suède, s’ils ne vous plaisent pas, je les reprends et je rentre chez moi ! »
Selznick avait déjà eu ce genre de conversation avec Ingrid, elle ne voulait changer ni de tête ni de nom. Ce qui inquiétait fort Selznick. Bergman, ça faisait très Allemand. Ce qui n’était pas à priori très intéressant en cette période déjà troublée. De plus, les Américains avaient tellement entendu parler des comportements capricieux des stars étrangères qu’ils risquaient de déserter définitivement les salles de cinéma si on leur en imposait une de plus. Et puis soudain, Selznick se dit que finalement l’idée était toute nouvelle et en soi révolutionnaire : une actrice avec son vrai visage et son vrai nom, ce n’était encore jamais arrivé à Hollywood !
Dans la foulée, on ne la maquillera pas et Ingrid tourne son test « au naturel ». Elle gagne la partie et sera la partenaire de Leslie Howard pour la version américaine d’Intermezzo.
Il faut cependant, mettre un bémol à la légende. Ingrid fut malgré tout badigeonnée de fond de teint, toujours aussi timide, elle rougissait à un point tel qu’elle avait l’air d’un homard ébouillanté !
Le film fait couler de torrents de larmes, fait un triomphe au box office. Ingrid Bergman est une star hollywoodienne en un film. La nouvelle star Américaine regagne sa Suède natale le temps de tourner un film pour lequel elle s’était engagée puis s’installe à Hollywood avec sa petite famille enfin ramenée des neiges natales. Enfin, quand je dis « avec sa petite famille » c’est une image. Le docteur Lindström a des diplômes suédois qui ne sont pas valides aux USA. Comme il est hors de question pour lui de vivre aux crochets de son épouse, il choisit de reprendre ses études afin, non seulement de mettre ses diplômes en conformité et tant qu’à faire devenir neurochirurgien. Mais la neurochirurgie ça ne s’apprend pas dans un studio hollywoodien.
Ça s’apprend à…Rochester. Là où le docteur Lindström a trouvé à s’inscrire…A 2700miles de Los Angeles. La petite famille n’a que les vacances pour se retrouver ou les quelques jours que l’on accorde à Ingrid entre deux tournages. Des retrouvailles que l’on ne gaspille pas en cocktails, premières et « partys ». On aménage sa maison, on creuse sa piscine soi-même. Les Lindström ont émigré aux USA en emportant leur bon sens suédois avec eux.
Ingrid Bergman va enchaîner succès après succès, même si au début elle tourne des scénarii refusés par Hedy Lamarr et Michèle Morgan dont « Casablanca » le film culte parmi les films culte. Mais qu’Ingrid Bergman ait été distribuée dans un des films les plus célèbres de tous les temps ne signifie pas que qui que ce soit ait eu conscience à l’époque de tourner un film légendaire. D’autant que lors du début du tournage, le scénario n’était pas terminé et personne ne savait avec qui de Humphrey Bogart ou Paul Henreid Ingrid partirait à la fin. Ce qui bien sûr mettait l’actrice dans tous ses états, la perturbant dans sa façon de donner ses répliques et le choix de ses attitudes. Avant Casablanca, Ingrid avait été choisie pour « Docteur Jeckyll and Mister Hyde ». Le studio voulait exploiter son côté « pure jeune fille », Lana Turner serait, comme d’habitude, la fille de mauvaise vie. Ne voulant pas à nouveau tomber dans un stéréotype, Ingrid propose à Lana d’échanger leurs rôles. Lana, ravie se glisse dans les dentelles immaculées de la fiancée du docteur Jeckyll et Ingrid apprend l’accent de bas-fonds Londoniens pour la crédibilité de son personnage.
Après Casablanca, elle devient une Espagnole violée dans « Pour Qui Sonne Le Glas » avec Gary Cooper et en tombe éperdument amoureuse à tel point qu’elle s’inquiète pour la crédibilité de son jeu. Ingrid à l’impression que ses sentiments transparaissent à l’écran et rougit jusqu’aux oreilles lors des projections. Hemingway en profitera pour devenir un de ses meilleurs amis pour la vie. Là non plus, la présence d’Ingrid dans le rôle n’était pas gagnée d’avance, lorsque Selznick tenta de l’imposer au réalisateur Sam Wood, celui-ci s’esclaffa : « Vous voulez que je mette Ingrid Bergman sur un cheval, cette grande girafe avec ses pieds gigantesques ? Mais le public va hurler de rire ! Et de toutes manières j’ai déjà engagé Vera Zorina ! »
Vera Zorina commença le film, mais Selznick déclara à Ingrid : « Ne vous occupez pas de ça, travaillez votre rôle et laissez moi faire ! » Dès le lendemain, tous les journaux ronflaient d’articles complaisants sur Ingrid et sur cette évidence que le rôle était fait pour elle.
Elle était le personnage. Ne pas s’en apercevoir était être un sot et condamner le film à l’échec.
Au bout de quinze jours de ce traitement intensif, Sam Wood câbla à Selznick : « Envoyez moi votre Bergman, Zorina ne me convient pas ». Le film vaudra à Ingrid sa première nomination aux Oscar et elle retrouvera le beau Gary Cooper pour « L’intrigante de Saratoga ».
Ingrid recevra l’Oscar de la meilleure actrice l’année suivante pour le splendide « Hantise » avec Charles Boyer. Il est curieux qu’Ingrid soit souvent confrontée à des acteurs nettement plus petits qu’elle. Après Bogart et Tracy, Charles Boyer ! On disait à Hollywood que pour travailler avec le « French Lover » en titre il fallait jouer dans un fossé ! Ingrid Bergman avait lu le scénario et l’adorait. Malheureusement, Selznick refusait de prêter Ingrid à la Warner.
Motif : le contrat d’Ingrid prévoyait que son nom était toujours en tête d’affiche.
Le contrat de Charles Boyer aussi. Ingrid intervient dans les discussions : « Je me fiche de savoir où se trouve mon nom sur l’affiche et même de savoir s’il s’y trouve tout court ! Je veux faire ce film, et si je ne le fais pas, je n’en ferai pas d’autre ! » Charles Boyer entamait donc le tournage passablement énervé à cause de cette histoire d’affiche. Il attendait, juché sur une caisse qu’Ingrid se précipite vers lui pour l’embrasser. Dans le feu de l’action, elle se précipite, se cogne dans la caisse et éclate de rire. On recommence la scène, elle se reprécipite et…se cogne à nouveau dans la caisse. Cette fois c’est Charles Boyer qui ne peut s’empêcher d’éclater de rire. Une autre surprise attendait Charles Boyer. Une débutante de 17 ans avait été engagée pour le rôle de Nancy, la soubrette effrontée. Une certaine Angela Lansbury…Plus grande encore qu’Ingrid ! Pauvre Charles ! Ingrid Bergman était très intéressée par cette jeune débutante et restait parfois sur le plateau pour la regarder travailler. Les deux actrices devinrent amies jusqu’à ce qu’un assistant s’adresse à Ingrid : « A Hollywood, les stars ne fréquentent pas les seconds rôles, ça ne se fait pas ! » Ingrid répondit : « Et en Suède, même les imbéciles s’occupent de ce qui les regarde ! » Et elle continua sa conversation avec sa copine Angela comme si de rien n’était !
Nantie de son Oscar pour Hantise qu’elle vient chercher en robe de ville et sandales plates, les cheveux ramenés en arrière, tirés par un peigne d’écaille, Ingrid va faire une rencontre cruciale : Alfred Hitchcock lui-même ! Il choisit la belle Suédoise pour « La Maison du Docteur Edwards » avec Gregory Peck, la jeune débutante Rhonda Flemming et…Salvator Dali pour les décors des séquences oniriques ! Le film est magnifique, et Ingrid devient l’égérie d’Hitchcock. Il décide de battre un record avec l’aide de l’actrice : celui du plus long baiser de toute l’histoire du cinéma dans « Les Enchaînés ». Pour détourner l’attention de la censure, Hitchcock inclus des dialogues dans la fameuse scène du baiser entre Ingrid et Cary Grant : un dialogue à propos de poulet froid !
Après « Arc de Triomphe », un mauvais film où elle retrouve Charles Boyer et où elle interprète une Italienne qui meurt à la fin en lui disant : « Ti Amo ! » Ingrid interprète un des rôles phares de sa carrière. Chose curieuse, elle devient un véritable phénomène de société à cause d’un film qui n’a pas marché ! Ingrid devient Jeanne d’Arc après avoir été religieuse dans « Les Cloches de Sainte Marie ». Ingrid adorait Jeanne d’Arc depuis sa plus tendre enfance et collectionnait tout ce qui s’y rapportait. Elle n’hésitera pas un instant à insuffler ses propres capitaux dans l’entreprise. Elle vivra très mal l’échec du film. Les salles de cinéma sont vides pour Jeanne d’Arc, mais les Américains déifient l’actrice. A tel point que des statues d’Ingrid Bergman sont placées dans les églises à côté de la Vierge Marie ! L’actrice trouve la chose ridicule même si au fond, elle est très touchée. La médaille a son revers, après avoir vu « les Cloches de sainte Marie », les jeunes filles Américaines ne rêvent plus d’un beau fiancé pour les emmener au bal mais…d’entrer dans les ordres comme Ingrid dans le film. L’actrice reçoit un monceau de lettres de mères ne sachant plus que faire de leurs filles. Selznick envisageait Ingrid dans le rôle de Jeanne d’Arc dès leur première rencontre, et l’actrice en rêvait. Elle avait déjà incarné Jeanne d’Arc sur scène à New-York. Mais la conjoncture n’était pas propice lors de l’arrivée d’Ingrid à Hollywood. Incarner une française se battant contre les Anglais alors que ceux-ci précisément venaient de s’unir pour combattre le nazisme n’était effectivement pas de très bon goût.
Ingrid déclarera : « Nous n’aurions pas dû faire ce film à Hollywood ! Toute une équipe passait son temps à nous astiquer pour que nous soyons bien proprets, les scènes de batailles ont fini par ressembler à des danses de salon et même sur le bûcher je suis toute pomponnée ! »
Dans la « vie de tous les jours » si tant est qu’il en existe une à Hollywood, Ingrid ne cesse de décontenancer tout le monde. Lorsqu’éclate un de ces sensationnels orages Hollywoodiens, on voit Ingrid marcher dans les rues vides de monde aves son vieil imperméable, ses grosses galoches et un affreux chien ruisselant dans son sillage. Il s’agit de Tiny, le chien le plus laid et le plus agressif qu’Hollywood ait connu. Ingrid l’avait recueilli à la fourrière, demandant qu’on lui donne le chien le plus affreux possible. Celui qui n’aurait pas une chance sur mille d’être adopté par les poupées blondes fanatiques de caniches à pédigrées d’Hollywood. Tiny la remercia longtemps en agressant les mollets de tous les « emmerdeurs ». Si Ingrid ne vous parlait pas en premier, il vous mordait ! Ingrid était pour Hollywood « L’Asociale » et sa maison sans aucune fioriture décorative faisait l’épouvante de ceux qui y étaient invités, aussi rares soient ils. Ingrid l’appelait « La grange » et à côté de son intérieur, le catalogue Ikea aurait l’air du boudoir de la Pompadour. Et pour compléter le tableau, lorsqu’Ingrid se déplace en voiture, sa vieille Ford d’occasion à la couleur délavée par le temps fait vraiment tache entre les Packard, Rolls et Cadillac de ses collègues de travail. Sa villa est « la grange », sa voiture est « le clou » ! Lorsqu’un maladroit emboutira une de ses portières, elle ira en chercher une de remplacement chez un ferrailleur et elle se fiche bien qu’elle soit d’un bleu plus foncé ! Quant à la petite Pia, elle grandit en Amérique comme n’importe quelle petite fille. Et comme toute petite fille normale. Pas une enfant de star. Pas « La fille d’Ingrid Bergman ». Pas de collège huppé pour jeunes péronnelles. Pia se rend à pied à l’école la plus proche de chez elle. Mais bientôt la petite fille aux longues nattes blondes rentre chez elle en pleurant. Un jour à l’école, une fille est montée sur son banc pour crier à la classe « Regardez celle-là ! C’est la fille d’Ingrid Bergman ! » L’enfant ne comprend pas ce qui se passe, elle ne sait pas que sa mère est une star d’Hollywood ! Elle se confie à sa maman « Depuis qu’elle a dit ça, ils me regardent tous comme on regarde un animal au zoo entre les barreaux de sa cage ! » Ingrid est bien en peine de lui expliquer, elle ne sait pas elle-même qu’elle est une star.
Elle croit qu’elle est une simple actrice besogneuse et appliquée.
Elle tourne avec Hitchcock pour la troisième fois dans « Les Amants du Capricorne » sans savoir que le glas de la première époque de sa carrière a sonné. Ingrid a vu « Païsa » de Roberto Rossellini. Elle est sortie bouleversée de la projection. Elle est si impressionnée qu’elle ne croit pas au génie du réalisateur italien. Elle n’aime pas crier au génie sans une absolue certitude. On a déjà vu des réalisateurs qui ne réussissent plus jamais à refaire un film aussi formidable que celui qui leur a valu leur renommée. Mais lorsqu’elle voit « Rome, ville ouverte », le doute n’est plus permis. Elle écrit au réalisateur en lui proposant ses services et en terminant sa lettre comme elle avait terminé « Arc de Triomphe » « Bonjour monsieur Rossellini, je n’ai vu que deux films de vous et ils m’ont bouleversée. Si vous avez besoin d’une actrice d’Hollywood, parlant le suédois, le français ayant parfaitement appris l’anglais et n’ayant pas oublié son allemand, je suis prête. En Italien par contre, je ne sais dire que deux mots « Ti Amo ». Enchanté à l’idée de pouvoir faire travailler une star de toute première grandeur, Rossellini lui répond et lui propose « Stromboli ». Ingrid accepte séance tenante et s’envole pour l’Italie. Après, pour être exacte, que Rossellini soit venu à Hollywood voir de près à quoi elle ressemblait. Le coup de foudre entre le réalisateur et l’actrice est immédiat.
Rossellini quitte sa femme la tempétueuse Anna Magnani. Ingrid divorce de Peter Lindström.
Le tollé est colossal. Le couple Lindström était pourtant en situation d’échec depuis son installation à Hollywood. Le docteur Lindström, maintenant chirurgien établi dans une clinique de Los Angeles avait des horaires et des occupations complètement différents d’Ingrid.
Lui à la clinique à toute heure, elle en tournage ou en tournée. Le couple se voyait si peu qu’une amie proche d’Ingrid lui dit un jour : « Comment peux-tu savoir que tu t’entends admirablement avec ton mari comme tu le prétend ? Tu ne le vois jamais ! » Et puis la toute jeune et timide jeune femme que le docteur Lindström avait épousée qui le vénérait et acceptait ses remarques et son autorité comme preuves d’amour et pain bénit n’existe plus. Dire à la plus grande star du monde « Tiens -toi droite et bavarde moins » risque à la longue d’être moins bien reçu.
Les figurines de l’actrice seront brisées dans les églises. La presse se ligue contre elle. Dans la foulée, elle est interdite de séjour aux Etats-Unis. Ingrid a quitté enfant et mari pour un italien marié. Et ce dans un pays corseté par l’église où le divorce est interdit. Et de plus est elle est enceinte ! La première dame du cinéma Américain attend un enfant illégitime. Le sénat lui-même va s’en mêler et proférer à l’encontre d’Ingrid des sentences qui la laisseront blessée à jamais. Une loi sera votée pour que de tels faits ne puissent plus se reproduire et souiller l’âme Américaine avec un grand A ! « Que des cendres de la carrière d’Ingrid Bergman puisse renaître un Hollywood nouveau, lavé de ses souillures ». Seul son grand ami Hemingway lui envoie un télégramme compatissant : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Les Américains sont donc devenus fous ? Faire un scandale autour d’un petit bébé ! Tiens, j’espère que tu auras des jumeaux, ça leur apprendra ! »
Stromboli est boycotté.
Anna Magnani, se lance dans le tournage d’un film concurrent « Vulcano » Ce sera un four aussi ! Le public ne tient pas à être pris à partie dans ces histoires de couples qui se battent à coups de volcans !
Libérés de leurs mariages respectifs, le couple Rossellini se marie par procuration au Mexique. Des doublures joueront leurs rôles lors de la cérémonie civile. En Italie, Ingrid est maman, le scandale est à son comble. Le couple a eu un garçon : Robertino puis des jumelles : Isabella et Isotta Ingrid. Mais le scandale ne va pas s’arrêter en si bon chemin. Le mariage par procuration est contesté par le gouvernement suédois. Le divorce d’Ingrid n’avait pas encore été retranscrit dans les registres ad hoc. Ce qui fait que pour la Suède dont Ingrid est toujours ressortissante, le mariage avec Roberto Rossellini n’est pas légal et n’a jamais existé. Cet imbroglio administratif ajoutera durant des années au scandale médiatique et à l’enfer de ses protagonistes. Car il ne suffit pas de retourner devant monsieur le maire. L’administration italienne avait été plus diligente et les divorces étant enregistrés, dans son pays, Roberto Rossellini était bien l’époux d’Ingrid Bergman et accessoirement le père de ses enfants. Il aurait donc fallu qu’il divorce d’Ingrid pour qu’elle puisse l’épouser à nouveau afin de satisfaire le gouvernement suédois. Mais comment divorcer de son épouse célibataire ? La situation était inextricable et aurait bien fait rire dans un film de Ginger Rogers ou Doris Day ! Ingrid n’a plus le droit de voir sa fille Pia confiée à la garde exclusive de son père. Lequel père, modifie légalement le prénom de sa fille qui devient Jenny Ann ! Motif : Pia signifiait : Peter-Ingrid-Always, ce qui n’était plus possible estima le bon docteur. Lequel par ailleurs vendait les effets personnels qu’Ingrid avait abandonnés à Hollywood dans une petite boutique sur les rives de lac Tahoé. Il est paradoxal de voir à quel point Ingrid Bergman a été traînée dans la boue par une Amérique qui admirait sans retenue et citait comme un exemple du bon goût la relation illégitime de Katharine Hepburn et Spencer Tracy !
Ingrid Bergman et Roberto Rossellini vont faire des films magnifiques, aucun d’eux ne couvrira ses frais. Georges Sanders avait accepté de tourner dans l’un d’eux et devenait fou à cause des méthodes de travail de Rossellini. Il dépensa la totalité de son cachet en communications avec son psychiatre ! L’acteur était dans un tel état que Rossellini hésitait entre faire venir son psychiatre ou sa jeune épouse Zsa-Zsa Gabor. Il choisit la deuxième solution. Le couple s’installa à Ravello ou John Huston tournait « Plus fort que le Diable » avec Humphrey Bogart accompagné lui aussi de son épouse Lauren Bacall, Gina Lollobrigida, Jennifer Jones, Peter Lorre et Robert Morley. Mais même cette élégante compagnie ne parvint pas à sauver Georges Sanders de son état misérable et désespéré.
Ingrid va refaire du théâtre et partir en tournée, partout les insultes pleuvent, la presse titre :
« La tribu Rossellini est obligée de s’exhiber comme un phénomène de cirque pour se nourrir ». Pourtant, Ingrid est heureuse. Elle adore Rossellini, elle adore ses « nouveaux enfants » et elle s’est prise d’une affection folle pour Fiorella Rossellini, la nièce de Roberto Rossellini. Tout ce petit monde s’entend parfaitement. Fiorella va se toquer à la folie d’Ingrid comme de ses enfants et les enfants vont vénérer Fiorella. La seule ombre au tableau : Pia que sa mère ne peut voir qu’aux vacances et en terrain neutre. Ni en Italie ni aux USA a décrété le père. Pia aura dix-huit ans lorsqu’elle pourra enfin passer des vacances en Italie avec sa mère. A son arrivée, la jeune fille se tient raide et distante et avant même de saluer sa mère elle lui dit « L’année prochaine je ne pourrai pas venir, je serai en Angleterre et cette année je dois rentrer assez vite en Amérique. » Dès le lendemain, après une solide grasse matinée et un copieux petit déjeuner face à la mer elle déclare « Aller en Angleterre ? Rentrer en Amérique ? Et pour quoi faire ? Alors que tout est tellement merveilleux ici ! » Le couple Rossellini a reçu en prêt une villa les pieds dans l’eau quand tout Rome les pourchassait comme des bêtes curieuses. Mais Roberto possède une incroyable propriété sur les hauteurs de Rome, un véritable palais au milieu de son parc. Toute la petite tribu y vit heureuse entourée d’une kyrielle d’animaux. Pour un temps, Ingrid Bergman supplante Brigitte Bardot au niveau des insultes gratuites récoltées sur son passage, qu’elle soit avec ses enfants ou pas. La villa au bord de l’eau, la villa discrète s’était alors imposée.
Les commentaires les plus virulents viendront toujours de ses compatriotes.
Les suédois estimant qu’Ingrid entachait l’honneur national.
Le couple scandaleux finira par divorcer le 7 Novembre 1957. Lassé de la vie de famille, Rossellini s’était lancé dans la course automobile, occasionnant à Ingrid les pires frayeurs de sa vie, s’il n’avait pas renoncé à l’idée, elle serait morte d’un infarctus aussi sûr que deux et deux font quatre ! Ce qui n’empêchait pas Ingrid de piloter sa propre Ferrari.
Ils avaient commencé par ne plus s’aimer avant de se déchirer. Ingrid partie, Rossellini n’a plus les moyens d’entretenir le somptueux palais romain qu’il met en vente. Les enfants sont dévastés. C’était leur maison natale. Fiorella est terrifiée à l’idée de perdre Ingrid et les enfants avec le départ de l’actrice. C’est le metteur en scène Français Jean Renoir qui va le premier faire appel à Ingrid et lui confier le premier rôle dans un film de prestige avec tous les égards qui lui sont dus ! Elle sera Elena dans « Elena et les Hommes » avec Jean Marais. Un film raté.
Sublime dans ses images et l’évocation de l’art de Renoir père. Mais un film au scénario encombré au casting bancal au résultat brouillon. Ingrid adorait le travail de Renoir. Elle l’avait contacté pour lui dire à quel point elle rêvait de tourner avec lui alors qu’elle était au sommet de sa gloire américaine. Renoir lui avait répondu « Chère Ingrid. Nous ferons un film ensemble un jour, je vous le promets. Mais pas maintenant. Aujourd’hui vous êtes la plus grande, la plus admirée, la plus adorée. Notre film ne serait qu’un film de plus. Mais plus tard, quand la chance aura tourné, que la gloire sera retombée. Alors je serai là. Je serai là quand vous aurez besoin de moi. Alors nous ferons un film et il sera magnifique. »
Le temps a passé, les esprits échauffés se sont calmés. L’embargo sur Ingrid Bergman est levé. L’actrice peut renter en Amérique. Mais avant de pouvoir paraître à la télévision, un présentateur vedette s’adresse au public : « J’envisage de recevoir Ingrid Bergman la semaine prochaine, mais seulement si vous êtes d’accord ! ». Ingrid retrouve Hollywood où elle se loue un bungalow au Beverly Hills hôtel et retrouve les plateaux pour « Anastasia ». Sa collaboration avec Rossellini a porté ses fruits, Ingrid est meilleure encore. Le triomphe est colossal. Le film du retour est le film du pardon Américain. Ingrid reçoit l’Oscar de la meilleure actrice. Le second de sa carrière. Après les années houleuses et difficiles avec Rossellini où l’on a vu une Ingrid Bergman fatiguée, vieillie, traquée et mal à l’aise, les années 50 vont se terminer de manière presque magique pour l’actrice rentrée en grâce.
Au printemps 1957, Ingrid Bergman est à Paris où elle s’est installée. Elle triomphe sur scène dans « Thé et Sympathie » et chaque soir le public l’ovationne debout de longues minutes durant. En 1962 elle triomphe toujours avec « Hedda Gabler ». Elle assiste en reine du cinéma incontestée dans une robe de soir immaculée à la première parisienne d’Anastasia et est l’invitée d’honneur du prestigieux gala de l’union des artistes, vingt-septième édition.
Cette prestigieuse manifestation caritative au profit des acteurs dans le besoin était un des « clou » de la saison parisienne. Toutes les plus grandes stars réunies au cirque d’hiver, de minuit jusqu’à l’aube, présentaient un numéro de cirque. Jean Marais était un funambule fou, Martine Carol se faisait lancer des haches à la tête sans broncher. Magali Noël dressait des éléphants et Maurice Chevalier des poneys. Cette année là, Ingrid fut l’invitée la plus prestigieuse de toutes et présenta un numéro de prestidigitation qui l’amusait beaucoup elle-même. Le tout commenté en direct pour la radio par Michèle Morgan et Jeanne Moreau !
Un certain Monsieur Spanel, admirateur d’Ingrid s’y prit un peu tard pour louer sa place et lui en coûta la bagatelle de trois milliards de francs (oui, oui, MILLIARDS, l’équivalent de 64 millions d’euros d’aujourd’hui) pour voir Ingrid dans son numéro de foulards noués ! Les photos d’Ingrid aux répétitions où elle emmenait son petit Robertino fasciné sont peut-être les plus belles photos qui existent d’Ingrid Bergman. L’actrice adorait la vie à Paris. Très touchée par le comportement des parisiens qui, lorsqu’ils la reconnaissaient faisaient précisément semblant de ne pas la reconnaître. Du coup elle passait sa vie dans le métro !
Et puis un autre bonheur lui est venu. Sa fille Pia libérée tout à fait de la tutelle paternelle s’est installée elle aussi à Paris. Elle y étudie et partage un petit appartement de deux pièces avec une autre étudiante. Ingrid lui offre une lithographie de Bernard Buffet pour orner le mur de sa chambre. Pia veut se débrouiller comme « toutes les jeunes filles de son âge ». La presse glissant volontiers qu’elle a déjà 24 ans et un divorce à son actif après un mariage américain d’un an. Ingrid de son côté retrouve Cary Grant pour « Indiscret », elle y est tout simplement grandiose. Elle est aussi l’ultime partenaire de Robert Donat qui succombe à la fin du tournage de « L’auberge du sixième Bonheur ». Tous ses films sont des triomphes et elle est particulièrement sensationnelle dans « Aimez-Vous Brahms ? » de Litvak avec Anthony Perkins et Yves Montand. Le film sera rebaptisé « Good bye Again », les distributeurs américains craignant que le public ne se demande « C’est qui ce Brahms ? » Elle transcende littéralement ses personnages et porte les films de bout en bout. Son jeu s’aiguise encore et elle sait être très drôle. Plus que drôle. Hilarante. Ingrid est plus qu’une actrice, elle est un miracle du cinéma.
Lors d’une importante conférence de presse à Paris, Litvak présente ses acteurs à la presse avant le début du tournage. Personne n’adresse la parole à Anthony Perkins blanc comme un linge, sauf pour lui poser des questions insignifiantes dont on n’écoute pas les réponses. On ne s’intéresse qu’à Yves Montand alors en plein scandale Marilyn Monroe. Ingrid s’efforce de sourire et d’être aimable avec tout le monde. Elle lira dans la presse le lendemain qu’elle est « d’une fraîcheur inacceptable à son âge ! »La dernière scène de « Aimez-Vous Brahms ? » mise en boîte, celle du mariage entre Ingrid et Yves Montand, l’actrice s’envole pour Rome et fait la paix avec Roberto Rossellini devant un parterre de journalistes stupéfiés ! Elle a également fait la paix avec Peter Lindström son premier mari et peut enfin réunir ses enfants quand bon lui chante.
Ingrid sans doute pour récupérer le temps perdu fait jouer de toutes ses influences pour Pia qui souhaite tenter sa chance dans le cinéma. A l’inverse de Marlène Dietrich qui estimait intolérable que sa fille qui voulait elle aussi devenir actrice tente de « piétiner ses plates bandes ». Mais Pia n’a pas les dispositions nécessaires. La fille de Dietrich non plus.
Et surtout, Pia n’a pas la folle vocation maternelle et fait quelques déclarations mal venues. « Ma mère est une travailleuse comme tous les Suédois. Ils travaillent pour ne pas s’ennuyer. La Suède est un pays désespérant, d’un ennui mortel, c’est pour ça qu’ils boivent presque tous ! Moi je ne me sens pas suédoise. Américaine ou française mais pas suédoise. Alors je préfère rêvasser au coin du feu en écoutant Charles Aznavour ! »
Ou encore « Je n’envie pas Brigitte Bardot, je la plains ! Quand on a sa beauté on devrait comprendre qu’on n’a rien ! Où sera-t-elle dans dix ans ? » Et enfin : « Je ne connais aucun artiste français, ils ne m’inspirent pas ils n’ont aucun intérêt il n’y a que Charles Aznavour qui soit à la fois un chanteur formidable et un comédien extraordinaire ». Pia échouera et Ingrid déclarera : « C’est fort dommage, en fermant ses portes à ma fille, le septième art se prive d’un grand talent ». Craignant au fond d’elle-même qu’il s’agisse là des derniers soubresauts du « scandale » qui rejaillissaient sur sa fille. Pia a tenté sa chance au cinéma. De manière assez peu convaincue. Elle a 25 ans et dérive dans le swinging London des années 60 après avoir végété un an à Paris, sans trop savoir que faire d’elle-même avant de renouer des liens très étroits avec sa mère. L’Amérique est bouleversée aux images de la famille réunie et pour tout dire, culpabilise du mal fait à Ingrid Bergman. De son côté, l’actrice ne regrette rien et n’en veut à personne, elle n’a pas de temps à perdre.
Elle n’en a jamais eu.
Le destin a bien failli frapper Ingrid également par le biais d’Isabella. La petite fille est née avec une scoliose. Une scoliose galopante. Isabella a 13 ans, l’opération est indispensable, indispensable et très risquée. Pour Ingrid Bergman va commencer une période noire faite de doutes, de souffrance et de culpabilité. Elle sera moins forte dans l’adversité que face à ses détracteurs et moins forte que sa courageuse petite Isabella qui montrera devant la douleur un courage, une volonté et une abnégation qui vont laisser ses médecins pantois et sa mère complètement décontenancée. Nous sommes au milieu des années 60 et la médecine tâtonne encore à ce niveau. Des solutions intermédiaires sont envisageables comme les corsets, les chaussures orthopédiques, les exercices. C’est Isabella elle-même qui se décidera et décidera ses parents pour l’opération sans vraiment leur demander leur avis. Elle va rester plâtrée des hanches jusqu’au cou durant six mois avant l’intervention. Ingrid Bergman va complètement arrêter de travailler durant un an et demi pour se consacrer exclusivement à la petite Isabella.
Celle-ci, devenue adulte et actrice à son tour s’en souviendra toujours avec une vive émotion, sachant à quel point le travail était essentiel pour Ingrid Bergman. Ingrid de son côté se souviendra surtout que le premier jour où Isabella fut débarrassée de tous ses carcans qu’elle avait subi dix-huit mois en tout, elle échappa à la vigilance de ses infirmières pour plonger dans la piscine. Elle sortira de l’eau et demandera avec une candeur absolue : « J’ai fait quelque chose que je n’aurais pas dû ? »
Un jour qu’elle assiste à une première Hollywoodienne, Ingrid, à la stupéfaction générale, se lève et quitte la salle. A l’infortuné qui lui demande naïvement où elle va, elle répond sans s’arrêter : « Ce film est trop bête, je n’ai pas deux heures de ma vie à perdre pour des imbécilités pareilles ! » Ingrid s’est remariée avec Lars Schmidt. Le couple vit un bonheur bourgeois, roule en cabriolet Mercedes sport et Lars a convaincu Ingrid de l’épouser lorsqu’il lui a présenté son île privée en Suède. Une île dont il est propriétaire et où sa maison est la seule. Pour s’abriter en famille des regards indiscrets c’est l’idéal et bientôt on oublie tout à fait la belle villa romaine. Lars Schmidt, suédois comme Ingrid, est un producteur de théâtre et de télévision très efficace et unanimement respecté. Le couple s’entend comme larrons en foire et s’installe en France dans le petit village de Choiseul à 40 kms de Paris. Mais Ingrid est dans la phase peut-être la plus prestigieuse de sa carrière. Non seulement ses films sont des triomphes mais elle ne quitte plus les planches et vole de triomphe en triomphe dans toutes les capitales du monde. Lars étant lui aussi très accaparé par son métier, le couple se voit peu et finira par divorcer au bout de 12 ans de vie commune…ou presque.
La presse aura d’ailleurs eu tout le loisir de cancaner à tout va. En effet, Ingrid et Roberto Rossellini se voient beaucoup. Pendant que Lars Schmidt parcourt l’Europe où il produit « Jésus Christ Superstar ». C’est louche tout ça. Mais Ingrid Bergman et Roberto Rossellini n’ont-ils pas trois enfants ensemble ?
En 1973, Ingrid est la présidente du jury au festival de Cannes. Retrouvant ses allures de star d’autrefois, elle débarque avec une garde-robe époustouflante. Elle s’affiche avec Joséphine Baker devant qui elle est émue comme une collégienne devant Elvis Presley jusqu’à ce que Joséphine lui susurre « Excusez-moi, je suis tellement impressionnée de vous voir en vrai ! ».
Mais le temps, insensiblement fait son œuvre. Et pendant qu’Ingrid voit les films en compétition, son fils Robertino a une aventure avec l’actrice Barbara Bouchet ! Ingrid en bafouillera complètement le palmarès ! En 1978, Ingrid trouve deux jours miraculeusement libres dans son agenda pour un aller-retour en Suède où elle signe les papiers du divorce d’avec Lars Schmidt qu’elle n’a plus croisé depuis…des années ! L’acteur Anthony Quinn la contacte en 1964 pour « La Rancune » un film dont il est aussi le producteur, il souhaite lui confier le rôle d’une femme vieille, aigrie et munie d’une jambe de bois ! Ingrid lui demande pourquoi la choisir elle, Quinn lui répond qu’il est amoureux d’elle depuis toujours. Flattée, Ingrid accepte et fait d’Anthony Quinn absolument ce qu’elle veut, à commencer par abandonner l’idée de la jambe de bois ! Mais dans les années 60, les temps avaient changé.
A Hollywood comme partout ailleurs, le cinéma devient plus « sex, drugs, and rock and roll »
On ne tourne plus de films de prestige dignes de l’immense talent d’Ingrid Bergman. Elle tourne encore quelques fois pourtant, dans « Fleur de Cactus » notamment, où elle est tout simplement géniale et où Goldie Hawn fait ses débuts. Lauren Bacall avait fait un triomphe avec le rôle à Broadway. Lorsqu’elle sut que la pièce allait être portée à l’écran, elle mandata son agent : « Suivez l’affaire, je veux le faire ! » Elle se décomposa quand elle apprit qu’Ingrid avait le rôle à un point tel qu’elle interdisait que l’on parle d’elle en sa présence. Lauren connut un autre triomphe à Broadway avec « Applaus ». Ingrid vint voir la pièce, trouva Lauren fabuleuse et décréta : « je vais la voir dans sa loge pour la féliciter ». L’amie qui l’accompagnait verdit : « Ingrid, vous n’y pensez pas, elle vous hait ! » Imperturbable, Ingrid s’annonça : « Dites à Lauren Bacall que la femme qu’elle déteste le plus au monde veut la voir ! » Lauren surgit, et…elle lui tomba dans les bras ! Elles devinrent les meilleures amies du monde.
Ingrid reçoit encore un Oscar pour sa performance dans « Le Crime de l’Orient Express » où, pour la première fois les stigmates de la maladie qui allait l’emporter marquent son beau visage.
Elle est encore extraordinaire dans « Sonate d’Automne » d’Ingmar Bergman, tournant alors que la maladie lui occasionne des douleurs insupportables. Elle est aimable et gracieuse avec tout le monde, personne n’est au courant que le cancer la ronge. Toujours aussi discrète elle fait cette déclaration : « Je crois que pour moi la boucle est bouclée. Je suis en Suède pour un rôle de concertiste. Il y a 38 ans ma carrière débutait en Suède avec un rôle de concertiste dans « Intermezzo ». Que Sonate d’automne soit mon dernier film me semblerait une si jolie façon de terminer ma carrière là où elle a débuté et comme elle a débuté. Comme si la jeune fille d’Intermezzo était partie à la conquête du monde et rentrait enfin chez elle, vieillie mais apaisée. Oui j’aimerais qu’il en soit ainsi. » Quelle leçon !
Elle s’éteint entourée des siens à Londres le jour de son anniversaire, le 15 Août 1982.
Sa fille Pia recevra pour elle les ultimes récompenses posthumes pour son rôle de Golda Meir dans le téléfilm du même nom. Pia Lindström que le monde entier avait tant plainte de l’attitude d’Ingrid à son égard, la « petite fille abandonnée par sa mère » voue encore aujourd’hui un véritable culte à sa maman.
Ingrid ne savait pas trop ce qu’elle voulait que l’on fasse de ses cendres.
Elle décida que la moitié serait dispersée en mer et l’autre moitié inhumée en Suède !
Ingrid Bergman était l’actrice préférée de Cary Grant.
QUE VOIR ?
1936 : Intermezzo : La version Suédoise du film, pour pouvoir la comparer à l’autre !
1939 : Visage de Femme : Ingrid méchante et défigurée dans un contre emploi !
Intermezzo : Version U.S.
1940 : La Famille Stoddard : Un film incroyablement méconnu de la grande époque hollywoodienne d’Ingrid, il faut bien reconnaître que nous n’avons pas affaire à un chef d’œuvre.
Son partenaire, le très en vogue Robert Montgomery avait été obligé par son studio de faire le film sous peine de sanctions. Il se contenta de faire acte de présence et dit son texte sans jouer, sans la moindre expression ni intonation, comme un automate. Le public trouva Montgomery formidable, sans doute sa meilleure performance d’acteur. Ingrid n’en revenait pas !
1941 : Docteur Jeckyll et Mister Hyde : Spencer Tracy est effrayant et n’utilise aucun maquillage pour passer de Jeckyll à Hyde !
1941: La Proie du Mort : Un tantinet timbré, Robert Montgomery se débrouille pour mettre sa propre mort en scène pour que son infidèle épouse d’Ingrid Bergman soit accusée de meurtre.
1942 : Casablanca : Reste il quelque chose à dire sur le film le plus décortiqué de tous les temps ? Non? Alors: « Play It Again, Sam! »
1943: Pour Qui Sonne Le Glas ? J’avoue que je ne suis pas fan du film, sans doute à cause des montagnes en carton ! C’était bien la peine d’isoler l’équipe six semaines aux confins d’une réserve naturelle pour ensuite tourner des scènes clés sur de la frigolite peinte en jaune sous un éclairage de bordel. Hemingway détestait le film, tu m’étonnes !
1944 : Hantise : Ingrid avait beaucoup travaillé son rôle et était allée observer des aliénés en institut psychiatrique pour voir ce que les paranoïaques faisaient de leurs yeux !
1945 : La Maison du Docteur Edwards : Du tout grand Hitchcock, le meilleur des 3 tournés avec Ingrid Bergman, Gregory Peck est particulièrement beau dans ce film je trouve.
1945: L’Intrigante de Saratoga : Ingrid retrouve son beau Gary Cooper dans un film que j’adore et où elle est à nouveau un peu timbrée et franchement très drôle, ses costumes sont ahurissants d’élégance. Il n’était en principe pas question que Gary Cooper accepte un rôle aussi secondaire, et le film aurait dû se faire avec Errol Flynn. Mais pour retrouver Ingrid et retravailler avec elle, Gary aurait accepté une simple figuration et aurait payé pour la faire.
1945: Les Cloches de Sainte Marie : Ingrid bonne sœur ! Pas de quoi casser trois pattes à un canard, mais la scène de l’uppercut en pleine poire reste très drôle.
1948 : Arc De Triomphe : Reconnaissons le, c’est très moyen, Ingrid elle-même était peu fière de ce film. Erich Maria Remarque l’avait écrit pour exorciser un peu de la souffrance que lui occasionnait sa liaison avec Marlène Dietrich. Ils se donnaient dans la vie les noms des personnages du film, Ingrid joue donc Marlène. Mauvaise pioche pour John Garfield et sa toute jeune maison de production.
1948: Jeanne D’Arc : Ingrid adorait ce personnage avec qui elle se sentait en communauté d’esprit, sans doute à cause de leur intransigeance !
1949 : Les Amants du Capricorne : Revoici Ingrid timbrée dans un Hitchcock très moyen avec des couleurs affreuses, Michael Wilding et Joseph Cotten.
1950 : Stromboli : Le film est magnifique et le partenaire d’Ingrid n’est pas un acteur mais un pêcheur local.
1951 : Europe 51 : Deuxième film de la collaboration Rossellini-Bergman. Le scénario était risqué pour Ingrid, considérée alors comme une mère dénaturée. Dans le film, elle est une mère qui s’occupe si peu de son enfant que celui-ci doit mimer un accident pour attirer son attention. Manque de bol, il se tue vraiment.
1953 : Voyage en Italie : Le troisième : toujours un chef d’œuvre, toujours un échec.
1953 : Nous les Femmes : Un film atypique et très méconnu où des comédiennes nous évoquent certains souvenirs « authentiques ». Le sketch d’Ingrid est bien sûr dirigé par Rossellini. Ingrid nous y raconte son désespoir de voir ses massifs de rosiers dévastés par la poule de sa voisine ! J’avoue que la vue d’Ingrid pourchassant son gallinacé m’a beaucoup fait rire. Anna Magnani est aussi présente, dirigée par un certain Gabor Pogany, elle nous y raconte une bagarre épique avec un chauffeur de taxi qui veut lui faire payer un supplément pour son basset !
1954 : La Peur : Le dernier bon film de la collaboration
1954 : Jeanne au Bûcher : Mon dieu que c’est atroce ! A fuir à tout prix par respect pour Ingrid.
1956 : Elena et les Hommes : Jean Renoir remet Ingrid en selle au milieu d’une distribution prestigieuse (dont Juliette Greco) et rend hommage à l’univers de son père Auguste Renoir.
Au sommet de sa gloire, Ingrid rêvait de travailler avec Renoir, celui-ci lui dit : « On fera un film plus tard, quand la chance aura tourné et que tu auras besoin de moi, je serai là, avec un filet »
Promesse tenue.
1956 : Anastasia : Oscar pour Ingrid dans le film du grand pardon. Le sujet sera repris par Disney en dessin animé. Malheureusement pour la légende, le « mystère Anastasia » sera définitivement éventé après la chute du mur de Berlin : les ossements de la véritable princesse Anastasia ont été retrouvés, elle avait été exécutée comme le reste de sa famille d’une balle dans la tête, mais traînée à l’écart avant son exécution, plus que probablement pour un viol. Ingrid interprète donc effectivement le rôle d’une usurpatrice.
1958 : Indiscret : Un chef d’œuvre, un régal tiré d’une pièce de boulevard somme toute banale, mais quelle interprétation jubilatoire ! Mon film préféré d’Ingrid et ses retrouvailles avec Cary Grant ce qui n’est pas rien !
1958 : L’Auberge du Sixième Bonheur : Ingrid missionnaire en Chine !Le film est passionnant, Ingrid le porte sur ses épaules de bout en bout et bien que toute l’affaire soit pétrie de bons sentiments, il serait ridicule de bouder son plaisir. Curd Jürgens est « asiatisé » pour l’occasion et n’est pas ridicule. Son rôle étant épisodique, on a quand même parfois l’impression qu’il est parti tourner autre chose entre deux apparitions ! Reste le fabuleux travail de Robert Donat dont ce sera l’ultime apparition. Ses médecins lui avaient interdit de faire le film, sa santé étant trop précaire et ils avaient, hélas raison. Donat mourait en faisant ce qu’il aimait le plus au monde et le cinéma perdait un acteur fabuleux. Donat aura tout donné au cinéma, y compris sa vie, et pour cet ultime cadeau qu’il nous a fait, je suis heureuse que le film soit réussi Good bye Forever mister Chips.
1961: Auguste: Ingrid ne fait qu’apparaître mais l’anecdote vaut son pesant de pop-corn. Le film se tournait avec Fernand Raynaud Durant le festival de Cannes. Une scène prévoyait l’arrivée de l’acteur en avion. On demanda aux passagers d’un vol pris au hasard s’ils acceptaient de perdre quelques minutes, le temps que Fernand Raynaud grimpe à bord et fasse mine de descendra avec eux. Quelle ne fut pas la surprise de l’équipe de trouver à bord Ingrid Bergman qui accepta bien aimablement d’être filmée.
1961 : Aimez-Vous Brahms ? Le film de Litvak est tout simplement magique, même si Ingrid croit qu’il pleut parce qu’elle pleure et fait marcher les essuie-glaces de sa Simca ! Lors du tournage à Paris, l’épouse de Litvak organisa une jolie surprise à son mari : elle invita toutes les célébrités de passage à Paris à venir jouer les figurants dans les scènes de boîte de nuit ! Donc si vous croyez croiser au détour d’un plan le crâne de Yul Brynner ou la dégaine de Françoise Sagan, et bien vous ne rêvez pas ! Une bonne affaire pour la production à qui le plateau de figurants ne coûta que douze bouteilles de whisky !
1964 : La Rancune : Rencontre au sommet entre Quinn et Bergman. Le film est magnifique avec un côté néo-réaliste un tantinet caricaturé. Tant qu’elle y est, Ingrid se caricature aussi, toute l’affaire est jubilatoire et la divine Suédoise II nous prouve qu’elle était bien un peu folle, une de ces folies douces et créatrices comme celle qui tenaillent Nathalie Baye ou Carole Bouquet.
1964: La Rolls Royce Jaune : Ingrid partage l’affiche avec Omar Sharif et est particulièrement drôle dans son rôle de milliardaire inconsciente;
1969 : Fleur de Cactus : Encore une prestation de première grandeur pour Ingrid qui est tout simplement à mourir de rire en vieille fille amoureuse de son patron dentiste.
1974 : Le Crime de L’Orient Express : Ingrid est oscarisée pour sa prestation…en second rôle !
1976 : Nina : Ingrid est l’ultime actrice de Vincente Minnelli qui décède après le tournage. Sans doute les dix-huit grèves qui émaillèrent le tournage en Italie y furent elles pour quelque chose.
1978 : Sonate d’Automne : L’ultime film d’Ingrid Bergman est un film Suédois, ainsi, la boucle était bouclée…
LES FILMS QUE VOUS NE VERREZ PAS
(Avec Ingrid Bergman)
La Seconde Mrs Ashland : Ce film qui ne vit jamais le jour aurait dû être celui de retour d’Ingrid à Hollywood, c’est en tout cas ce qu’annonçait très officiellement la presse de l’époque.
Thomas l’Imposteur : Encore un projet avorté pour Ingrid et Jacques Perrin. C’est finalement Emmanuelle Riva qui tiendra le rôle face à un certain Fabrice Rouleau.
Hélène de Troie : Après que Virginia Mayo eut été destituée du projet (et des deux cent milles dollars de cachet), le rôle échut à Ingrid avant d’être confié à Marilyn Monroe puis Rosanna Podesta.
Adolphe : Jean Delannoy voulait réunir Ingrid et Alain Delon pour cette adaptation du roman de Benjamin Constant. Le projet avorte. Il avait déjà avorté dix ans plus tôt avec Edwige Feuillère et Jean-Claude Pascal.
La Rumeur : C’est en effet Ingrid qui devait succéder à Myriam Hopkins dans le remake de « Ils Etaient trois », c’est finalement Shirley MacLaine qui tiendra le rôle face à Audrey Hepburn.
La Nuit de l’Iguane : C’est Deborah Kerr qui partit au Mexique affronter Huston, Gardner, Burton et les iguanes !
Stimulanza : C’est l’étrange titre du film qui devait fêter le retour d’Ingrid au cinéma suédois en 1964 et que devait diriger son très vieil ami Gustav Molander.