Marcelle Derrien fut la première "nouvelle venue" d'après guerre; le nouveau visage de la France libre. Surgissant sur les écrans en 1945 elle était promue au rang de star en quelques heures. Pourtant, lorsque l'on évoque, fort rarement il est vrai, le souvenir de Marcelle Derrien, c'est pour faire d'elle le symbole de ces stars d'un soir à qui le public a tout donné et tout repris l'instant d'après. Que s'est-il passe? Bien malin qui saura. Rares sont les actrices à avoir été balayées aussi sûrement qu'elle depuis les plus hauts sommets de la popularité. Meg Lemonnier, peut-être...
Marcelle Derrien sera célèbre sous son vrai nom. On se doute bien que ce n'est pas un pseudonyme choisi pour faire glamour. Marcelle, donc, naît à Saint Leu la Forêt le 24 juillet 1916.
Sa gloire trop brève empêchera les journaux de cinéma de s'épancher sur sa jeunesse, ses amours, sa recette du poulet basquaise ou de l'endive gratinée. Elle ne sera pas célèbre assez longtemps. Et puis, nous sommes en 1946, le papier est encore rationné. Ciné revue fait cinq pages couvertures comprises. Alors on s'intéressera aux nouvelles stars américaines dont la France a été privée durant près de six ans pour cause d'embargo hitlérien. Et pour faire bonne figure, on mettra la photo de Marcelle Derrien en couverture. N'en voulons pas à la presse d'époque. On avait tout à découvrir, tout à apprendre sur Lana Turner, Ava Gardner , Rita Hayworth, Hedy Lamarr et Marguerite Chapman! Alors Marcelle Derrien c'est bien gentil mais bon... Merci et...Derrien.
Que saura on en effet? Que daignera-t- on nous dire sur la nouvelle ravissante? Qu'elle est une élève de René Simon. Qu'elle a fait le conservatoire et qu'elle a tenu quelques rôles au théâtre avant de surgir aux écrans pour le bonheur des foules libérées. C'était au début de l'année 1946 dans un film sans grand intérêt, "Les J3" où Giselle Pascal tenait la vedette. Ni le film ne le rôle de Marcelle n'avaient de quoi révolutionner l'industrie cinématographique mais ce fut suffisant pour que René Clair lui offre le rôle qui fera d'elle une star, celui de Madeleine Célestin dans "Le Silence est d'or".
Le film sort sur les écrans en 1947.
En 1951, Marcelle Derrien est complètement passée de mode, oubliée des professionnels comme du public.
Pourquoi? Comment? Mystère?
Elle venait d'être la jeune épouse délaissée de Jean Desailly en très urticant "Chéri" du film éponyme.
Pire encore! près "Le Silence est d 'or", Marcelle consacrée vedette ne retrouve plus ni bon rôles ni succès public.
Elle n'est au fond grande vedette du cinéma français que le temps d'un film même si elle en a tourné plusieurs.
Elle reviendra se montrer en 1969 dans "Dieu a choisi Paris". Sans doute pour voir Belmondo de près...
Et encore! Ceci n'est que conjoncture de ma part car cet ouvrage est truffé d'images d'archives et il n'est pas impossible que ce soit le cas pour Marcelle...L'enquête est en cours, je n'ai jamais eu la chance de voir le film.
Marcelle Derrien s'éteint dans un anonymat abyssal le 2 novembre 2008. Elle avait 92 ans et n'avait pas tourné dix films. Pourtant , grâce à René Clair son souvenir restait sur le cinéma français comme la tendre petite vielleuse de la libération.
A revoir aujourd'hui ce joli film parfaitement restauré, qu'est-ce que celà nous fait? On y découvre surtout un Maurice Chevalier exceptionnellement sobre, presque discret sans les fanfaronnades de "Ma Pomme". C'est peut-être là sa meilleure prestation. On y découvre un François Perier relativement moyen. On y découvre Marcelle Derrien. On ne peut s'empêcher de penser à la Danielle Darrieux première époque. Celle de Mayerling, celle de Katia. Le film semble cousu main pour elle.
Marcelle Derrien se montre bonne comédienne, très à l'aise, très expressive mais il semble que l'histoire d'amour entre elle et l'objectif soit mort-née. Est-ce que son joli visage n'est pas fait pour les éclairages raffinés de René Clair? Je suis bien incapable de répondre. Peut-être qu'il aurait fallu laisser le temps au temps de venir à bout de cet ovale parfait, de ce teint de lys. Peut-être qu'il aurait fallu la distribuer dans des rôles de déesses de l'Olympe ou de grandes beautés. Peut-être qu'en Liane de Pougy, en Maria Montez ou en sainte...Peut-être était-elle trop classieuse pour ce rôle de petit trottin 1900.
Celine Colassin
QUE VOIR?
La filmographie de Marcelle Derrien ci dessous est, à ma connaissance, complète.
1946: Les J3: Avec Giselle Pascal
1947: Le Silence est d 'or: Avec Maurice Chevalier et François Perier
1948: L'Impeccable Henri: Avec Armand Bernard
1948: Sombre Dimanche: Avec Michèle Alfa et Jacques Dacqmine
1948: Le Secret de Monte Cristo: Avec Pierre Brasseur et Madeleine Lebeau
1949: L'Inconnue Numéro 13: Avec René Dary
1950: Chéri: Avec Jean Desailly
1951: Les Mousquetaires du Roi: Avec Jacqueline Delubac et Danielle Godet
1969: Dieu a Choisi Paris: Avec Jean-Paul Belmondo