Le 3 Mars 1905 naît à Montagne au Perche dans l’Orme, Raymonde Louise Marcelle Toully qui connaîtra la gloire sous le pseudonyme moins terroir de Marie Glory.
Le papa de Raymonde est coiffeur pour dames. Sa maman se contente de son rôle d’épouse et de mère. Mais elle est également passionnée de peinture. Lorsque le ciel de basse Normandie affiche des couleurs qui l’inspirent, maman Toully prend sa bambine, son chevalet et s’en va peindre le bocage. Plus tard, la famille Toully quittera Montagne au Perche pour Rouen. Papa s’agrandit.
La petite Raymonde étudie la danse. Ca la passionne et elle est douée. Alors, à 18 ans, elle gagne le droit de « monter à Paris » y suivre les cours du conservatoire. Le risque des mauvaises rencontres n’est pas très grand. Maman l’accompagne et s’installe avec elle à la capitale. C’est toujours sous la haute surveillance de maman mais avec son consentement que Raymonde s’inscrit à un concours de beauté.
Il y a un contrat de cinéma promis à la gagnante, mais ce sont surtout les 10.000 francs qui accompagnent le contrat qui ont fait céder maman Toully!
C’est une certaine Appolonie Paris qui raflera le tout, contrat et cagnotte. Bientôt elle s’en ira tenter sa chance à Hollywood et s’y lier avec Greta Garbo sous le patronyme de Suzy Vernon.
Quant à Raymonde, la « première dauphine », son second prix de beauté lui vaut quand même quelques bénéfices. Elle pose pour des cartes postales, des publicités et fait quelques figurations au cinéma. Raymonde Toully ne faisant pas rêver le chaland sous le portrait d’une jolie fille aux yeux humides et à la bouche en cœur, elle devient Arlette Genny.
Lorsque Marcel L’Herbier qui le premier lui donnera sa chance au cinéma entend ce pseudonyme d’Arlette Genny il s’esclaffe au nez de la jeune fille tétanisée de stupeur. Elle qui était si fière de s’être trouvé un blaze aussi distingué!
Après un instant de réflexion il lui lance « Vous vous appellerez Marie Glory, vous commencez demain, le film s’appelle « l’argent . La vedette c’est Brigitte Helm mais votre rôle sera intéressant. On parlera de vous et moi je vous en donnerai d’autres, des rôles. » Marcel l’Herbier tient sa promesse en tout points. Marie deviendra une de ses comédiennes préférées. Son rôle dans « L’Argent » était intéressant et on avait parlé d’elle. beaucoup.
Gaby deviendra une star, donnera la réplique à Henri Garat l’icône du moment et elle aura même son personnage fétiche: "Dactylo" qui connaît une gloire immense et une suite: "Dactylo se marie".
C’est encore Marcel L’Herbier qui en 1930 lui fera passer le cap du cinéma parlant avec une nouvelle fois la réussite et le succès qu’il lui avait promis. Marie Glory sera durant toutes les années 30 une très grande vedette françaises. Une des préférées du public dans le genre « jeune première romanesque » avec Annabella, Danielle Darrieux et Meg Lemonnier. Elle a perdu peu à peu son look de « flappers » des années 20 pour se sophistiquer sans excès. Elle préfigure ce que sera après elle Simone Simon. Son jeu s’améliore de film en film. Marie Glory précède ensuite Martine Carol. Martine qui dans « Nana » chantera comme une poêle à frire parce que « Nana ce n’est pas une artiste, c’est une petite tapineuse qui expose la marchandise sur scène » Qu’elle chante bien serait vide de sens. C’était le raisonnement qu’avait tenu Marie dès 1936 avec « Le mort en fuite ». Petite théâtreuse sans talent ni vertu mais avec orgueil et ambition, elle chante mal, se tient en scène comme une godiche de première et surjoue tant qu’elle peut dès qu’il y a un public, jouant les dames à grands airs et émotions distinguées. C’est un petit régal.
Elle est également une très grande star en Allemagne et y tourne beaucoup. Comme en Autriche et aussi en Italie et en Angleterre.
C’est parce qu’elle est très souvent en tournage à Berlin qu’elle a vu monter d’un œil noir le national socialisme. Marie vit sa vie de vedette, tourne des films, pilote son avion de tourisme. Mais ce qui se passe en Allemagne la hante. Elle n’est pas de celles qui prennent les nazis pour des hurluberlus connaissant une vogue momentanée.
En 1939 elle tourne « Dernier Refuge » sous la direction du jeune réalisateur Jacques Constant dont elle est tombée amoureuse lorsque les Allemands déferlent sur la France et occupent Paris. Marie Glory deviendra madame Constant mais leur film restera inachevé. Marie Glory refuse de rester sous la coupe des occupants d’autant qu’ils ont la main mise sur le cinéma.
Le couple s’enfuit, quitte Paris, gagne l’Espagne, le Portugal et finalement Buenos Aires où Marie crée des œuvres caritatives pour les prisonniers de guerre et les enfants plongés dans la guerre. Dès la déclaration de guerre, le cinéma était sorti de sa vie comme s’il n’avait jamais existé. Il y avait une guerre! Qui songerait à faire des films dans un moment pareil?
D’ailleurs ses œuvres de bienfaisance ne lui suffisent pas. Elle est trop éloignée de l’action et qui de plus est dans un pays dont le dictateur (encore un) est loin, très loin de s’opposer à Hitler. On la retrouvera dans les Forces Françaises libres où elle s’active à la radio même si elle aurait, et de loin, préféré piloter un bombardier!
La paix revenue, Marie Glory sera très hautement décorée mais découvrira que non seulement son appartement parisien a été complètement pillé mais que le cinéma l’a complètement oubliée comme pas mal de ses consœurs d’avant guerre qui ne retrouveront pas la gloire perdue.
Annabella et Meg Lemonnier n’étant pas des moindres.
Marie Glory ne hantera pas, comme la nostalgique Meg les studios de la Victorine ou de Joinville mais ouvrira une galerie d’art où elle présentera des artistes sud américains qu’elle avait connus et admirés lors de son exil argentin. C’est durant cette période que son mariage se défait.
Elle fera bien un peu de télévision mais sa vie est ailleurs. Elle parcourt le monde à la découverte de nouveaux talents pour sa galerie.
C’est Christian Jacque qui lui remettra le pied à l’étrier avec ses « Adorables Créatures » où il fait d’elle la mère d’Antonella Lualdi. C’est Gaby Morlay qui la première, oubliant le glamour d’avant guerre qui avait fait sa gloire, s’adonne avec beaucoup de plaisir et de drôlerie aux rôles de concierges ou de gentilles mamans souvent dépassée par le comportement de ses grands enfants. Et c’est parce que Gaby est trop occupée que Christian Jacque songe à Mary qui sera au moins aussi efficace que l’aurait été Gaby dans le rôle!
C’est un second souffle pour la comédienne qui sera bientôt la belle mère de Brigitte Bardot et la mère de Jean-Louis Trintignant dans « Et Dieu Créa la Femme ».
Marie ne fera pas une seconde carrière aussi prolifique que Gaby qui semble insatiable et tournera jusqu’à sa fin. Au milieu des années 60, alors que Marie se montre encore un peu à la télévision ou dans de petits rôles au cinéma, on apprend stupéfaits qu’elle est devenue caissière dans un salon de coiffure avenue Raymond Poincaré. Ses exploits de comédienne ne sont plus suffisants pour la faire vivre. Elle n’ a plus sa galerie et se sent trop vieille pour encore parcourir le monde.
Elle ne cherchait pas de travail pour autant et fut d’ailleurs assez interloquée lorsque le directeur du salon lui proposa le poste. Est-ce qu’elle avait donc l’air de traîner misère pour qu’on lui fasse l’aumône d’un travail?
Elle allait découvrir que le propriétaire du salon, collectionnait ses photos depuis toujours et qu’en digne admirateur il en possédait plus de 20.000.
Marie se retire définitivement au début des années 60. Elle travaillera au salon de coiffure puis prendra sa retraite sur la côte d’Azur.
Devenue la doyenne du cinéma, c’est sur la côte d’Azur qu’elle s’éteindra le 24 janvier 2009, un peu plus d’un mois avant de fêter ses 104 ans.
Celine Colassin
QUE VOIR?
1924: Paris: Avec Dolly Davis et Marie Bell
1927: Miss Helyett: Avec Fernand Fabre
1928: L’Argent: Avec Brigitte Helm
1929: Monte Cristo: Avec Lil Dagover et Jean Angelo
1930: Les Chevaliers de la Montagne: Avec Jim Gérald
1931: Dactylo: Avec Jean Murat
1933: Madame ne veut pas d’enfants: Avec Robert Arnoux
1934: Dactylo se marie: Avec Jean Murat
1934: Le Paquebot Tenacity: Avec Albert Préjean
1936: King of Hearts: Avec Gwenllian Gill et Will Fyffe
1936: Les Amants Terribles: Avec Gaby Morlay et André Luguet
1936: Le Mort en Fuite: Avec Jules Berry et Michel Simon
1936: Avec le Sourire: Avec Marcelle Vallée et Maurice Chevalier
1937: L’Homme sans Cœur: Avec Mireille Colussi et Mona Doll
1938: Les Gens du Voyage: Avec Françoise Rosay
1938: Terre de Feu: Avec Mireille Balin et Tito Schipa
1939: Una Moglie in Pericolo: Avec Antonio Centa
1943: Dagli Appennini alle Ande: Avec Leda Gloria
1951: La Folla: Avec Tino Buazzelli
1952: La Fugue de Monsieur Perle: Avec Arlette Poirier et Noël-Noël
1952: Adorables Créatures: Avec Antonella Lualdi et Daniel Gélin
1953: Gli Uomini, che Mascalzoni! Avec Myriam Bru et Antonella Lualdi
1955: Lo Scapolo: Avec Sandra Milo et Alberto Sordi
1956: Et Dieu Créa la Femme: Avec Brigitte Bardot et Jean-Louis Trintignant
1958: C’est Arrivé le Premier Mai: Avec Nicole Berger et Yves Montand
1958:Rafles sur la ville: Avec Bella Darvi et Danik Patisson
1958: La Chatte: Avec Françoise Arnoul
1959: Ramuntcho: Avec Mijanou Bardot et Gaby Morlay
1960: La Chatte sort ses Griffes: Avec Françoise Arnoul