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MONICA VITTI




L’Intellectuelle ! Voilà le grand mot lâché dès la première ligne de cet article consacré à Monica Vitti. Quoi de plus normal puisque durant la totalité de sa carrière on parla d’elle exclusivement comme « L’actrice intellectuelle de Michelangelo Antonioni » Je me suis souvent demandé si à la place d’Antonioni je l’aurais bien pris. Car si Monica était l’actrice et l’intellectuelle de l’histoire, qu’était il, lui ?


 La future Monica Vitti naît à Rome le 3 Novembre 1931 sous le patronyme de Maria Luisa Ceciarelli. Une famille assez modeste, discrète. Une petite fille folle de théâtre qui depuis ses 15 ans joue avec des amateurs, en attendant de pouvoir enfin étudier l’art dramatique. Le vrai. En 1953 elle sera diplômée de l’académie d’art dramatique Darte où elle a fait de ses professeurs ses admirateurs. Et ce qui les éblouit chez Monica Vitti c’est son grand sens du comique. Elle est hilarante et Sergio Tofano, son maître de cours et véritable icône du théâtre italien déclare à son propos « Elle est d’une exubérance folle et elle est la seule jeune comédienne de cette nouvelle génération à pouvoir tenir la dragée haute aux grands maîtres de la comédie italienne ! ».

 Elle est plus que drôle, elle est un peu folle aussi. Le premier rôle qu’elle tiendra, c’est celui d’une mère de 46 ans. Elle en a 16 et l’acteur qui joue son fils a 6 ans de plus qu’elle.

Rien ne l’arrête. D’ailleurs elle rêvera longtemps de jouer le burlesque et d’être au cinéma Olive la femme de Popeye là où d’autres rêvent à Marguerite Gauthier.


 Logique avec lui-même, Tofano invitera son élève à lui donner la réplique sur scène, notamment dans « L’Avare » de Molière. Avec lui, Monica va jouer Molière, Shakespeare, Bertold Brecht. Le succès est au rendez-vous, la jeune comédienne joue à Rome, part en tournée en Allemagne. Elle est persuadée d’être une tragédienne et range au placard ses rêves de Laurel et Hardy.



Toutes les portes s’ouvrent devant elle, même celles du cinéma mais ça ne l’intéresse pas. Bien qu’elle ait un peu tourné dès 1954 et son diplôme en poche. « Faire du cinéma ? Je n’ai pas les qualités nécessaires, moi j’a un diplôme de comédienne, or, ce qu’il faut pour réussir au cinéma c’est une couronne de miss quelque chose ! ». « Ils me trouvent insolite ! Ils veulent que je refasse mon nez. Moi aussi j’aimerais un autre nez mais j’ai peur des opérations. Par contre je ne vois pas ce qu’il y a d’insolite à ne pas ressembler à Silvana Pampanini ! »

Pourtant en 1957, les choses vont changer, et celui qui va faire changer les choses, c’est Michelangelo Antonioni.

 

Antonioni a fait tourner l’actrice Dorian Gray dans son film « Le Cri ». Le réalisateur cherche une actrice pour la doubler. Dorian est née dans les Dolomites, elle n’a pas l’accent romain que souhaite entendre le réalisateur. On lui propose la jeune Monica Vitti, il accepte de la recevoir et l’auditionner car sur la photo qu’il a vue d’elle, il trouve précisément qu’elle ressemble à la belle Dorian Gray. C’est la rencontre, Monica accepte pour « rendre service » mais déclare tout de go qu’elle n’a pas du tout envie de faire du cinéma. « Mettez vous de profil, clignez trois fois des yeux, comptez jusqu’à quatre » Ca ne m’intéresse pas Si j’avais voulu faire du cinéma je n’aurais pas étudié l’art dramatique ! »


 Antonioni lui demande s’il peut malgré tout lui téléphoner.

« Non ! » Répond la Vitti d’un ton sec.

Et lui « Allons, mademoiselle, ne commencez pas à me faire la cour ».

Elle resta pour le moins décontenancée. En fait de cour, Antonioni venait de commencer la sienne avec une redoutable habileté et…Une infinie patience.

 « Dommage, elle a un beau visage, une beauté animale et surtout un très joli cou, elle devrait faire des films je suis sûr que ce serait très bien ». Fut le seul commentaire que laissa choir Antonioni après leur première rencontre.



 A l’heure de cette rencontre, Monica Vitti avait entendu parler comme tout le monde de Michelangelo Antonioni alors ami proche de Roberto Rossellini. Mais en 1957, le réalisateur est loin d’être cultissime et la jeune actrice ne s’attendait certes pas à tomber sous le charme d’un homme de 19 ans son aîné. Si Antonioni autrefois condamné à mort par les fascistes travaille pour le cinéma depuis 1942, c’est essentiellement comme scénariste et réalisateur de documentaires. « Le Cri » est la première œuvre de fiction qu’il réalise. Donc, comme Monica, c’est un débutant.

 

Elle est donc loin, comme le prétend une certaine légende, d’être arrivée très intimidée à l’idée de rencontrer « le maître » à leur premier rendez-vous. Entre la comédienne et le réalisateur, c’est d’abord la rencontre d’un homme et d’une femme qui vont s’aimer. Le soir de cette rencontre, elle dit à une amie « Ah, tiens, j’ai rencontré Antonioni, aujourd’hui ! », l’amie lui répond Oh ! pauvre homme, il est cuit ! »

 

Antonioni est un artiste pour le moins étrange. Sorte de mixité entre le néo réalisme italien et la nouvelle vague française qui pointe à l’horizon. Il analyse dans ses films des thèmes tels que la vacuité, l’ennui, l’incompréhension, la solitude, la contemplation et ce qu’il appelle « la maladie des sentiments ». Le tout en déstructurant le système narratif habituel. « Dans les scènes très importantes, j’aime montrer les personnages de dos » déclare Antonioni lors d’une conférence de presse puis il ajoute « Le sens de mon film c’est l’incertitude du sens de mon film » Par contre il aime à s’entourer de comédiens au box office intéressant pour s’assurer l’appui des banques et des producteurs. Pour "Le Cri,  L’histoire d’un homme seul et vidé », il avait choisi Dorian Gray et Alida Valli qui sont des stars en Italie et les acteurs américains Steve Cochran et Betsy Blair. Avec Monica il se lance dans la préparation de son film suivant : « L’Avventura ».


 Mais si « Le Cri » avait quand même obtenu une petite récompense au festival de Locarno, le public ne s’était pas rué pour voir Steve Cochran, de dos, interpréter l’incertitude du sens.

Pour son deuxième film les producteurs et les banquiers seront nettement moins coopératifs.

On lui ferme la porte au nez, on lui fait dire que « monsieur est absent ». Monica est touchée au cœur par les humiliations qu’endure Antonioni pour réussir à financer son film. Sans se l’avouer elle est amoureuse de lui depuis longtemps, depuis huit mois qu’ils se connaissent. Huit mois où il continue de la vouvoyer en la priant d’en faire autant. Et lorsqu’un soir, enhardie, elle fait comprendre à Antonioni qu’il est loin de lui être indifférent, il lui répond « Allons, mademoiselle, vous n’êtes pas amoureuse, c’est moi qui vous le dis ! » Et puis, si dans la vie, contrairement à ses films, Antonioni était un joyeux drille, il était aussi un homme terriblement marié.

 

L’aventure du film va être bien plus épique que son résultat ! L’équipe du film s’installe à Panarea, une minuscule île perdue en mer Tyrrhénienne où il n’y a alors ni électricité ni eau courante et encore moins de téléphone. L’équipe campe là et se rend chaque jour sur les décors du film, un petit îlot rocheux désertique où l’abordage est risqué. Antonioni espérait recevoir un yacht prêté par la production mais le yacht n’apparaissant jamais, l’équipe et son matériel dont les générateurs électriques se déplacent à la rame d’une île à l’autre. Bientôt la production ne donne plus de nouvelles, l’équipe est bloquée sur l’île, l’eau et les vivres viennent à manquer. Bientôt les conditions climatiques se dégradent rendant les prises de vues impossibles, prolongeant le tournage et la disette d’autant. Chaque fois qu’ils prendront la mer ils risqueront leur vie et les techniciens finissent par se mettre en grève jusqu’à ce que des fonds inespérés arrivent de France. Antonioni s’en souviendra comme d’une aventure très intéressante doublée d’un spectacle bouleversant. Quant au film il dira : « C’est un film amer et douloureux dépouillé de tout effet cinématographique »

Enfin terminé, l’entreprise aura pris près de trois ans pour aboutir, le film est présenté à Cannes.



Une des projections les plus houleuses de l’histoire du festival. Sifflets, huées, insultes accueillent « L’Avventura ». Le public est excédé par un film de deux heures et demie où il ne se passe rien et dont le dénouement est absent. « C’est parce que j’aime m’attarder dans la réflexion » répond Antonioni. Mais nous sommes en 1960. La nouvelle vague vient de déferler et ses réalisateurs déclarent vouloir faire des films pour eux-mêmes et non pour le public.  Lequel est trop idiot pour les comprendre puisqu’ils continuent à applaudir Bourvil, Fernandel et Jean Gabin.

 

Et parce qu’ils inventent un clivage au cinéma entre l’art et le commerce, entre les idiots et les intellectuels, apparaît un snobisme du dernier cri qui consiste à toiser les cinéastes dont les films font recettes et encenser des bricolages nombrilistes hermétiques, creux et ennuyeux.

Dès le lendemain du scandale cannois, Antonioni reçoit une lettre signée de 37 « intellectuels » portant son œuvre au pinacle et sur l’initiative de Roberto Rossellini. Joli coup de bluff publicitaire puisque nonobstant le fait que Roberto Rossellini est un ami très proche d’Antonioni, les 37 signataires ne sont pas supposés avoir vu le film et les moyens techniques de l’époque ne permettent pas une réaction groupée de 37 personnes disséminées un peu partout sur un texte pensé, rédigé, cosigné et parvenu à son destinataire moins de 24 heures après les faits dont il est question. Un enfant de cinq ans et même son sac de billes se doutent bien qu’Antonioni était déjà en possession de sa fameuse lettre de soutien avant même d’arriver à Cannes.

 

Le jury du festival de Cannes de 1960 ne souhaitant pas passer pour un ramassis d’ignares aux yeux de quelques crétins prétentieux décerna un prix sous des tombereaux d’injures à « L’Avventura ». Le film connut une véritable gloire dans la presse, on parlait d’art, d’intelligence, de culture, de révolution.  Monica Vitti fut décrétée à la fois superstar et muse d’Antonioni.

Le public, futé, s’acheta un poste de télévision, resta chez lui et ont fit des cinémas des parkings pour qu’il y range sa voiture.



 Jeanne Moreau s’auto proclama « actrice intellectuelle » et rejoignit Marcello Mastroianni sur le plateau du film suivant d’Antonioni. Film dont le titre à lui seul résume toute l’œuvre du cinéaste en un mot « L’Ennui ». Et parce que ce que l’on avait retenu de « L’Avventura », c’était la beauté blonde de Monica, Jeanne Moreau la supplanta en haut de l’affiche et Antonioni seul maître à bord de son cinéma la relégua dans un second rôle aussi creux que le premier, soyons justes et sous une perruque brune très enlaidissante.

Fidèle à sa technique, Antonioni s’entourait de superstars commerciales : Jeanne Moreau, Marcello Mastroianni. Pour son film suivant « L’Eclipse » il s’offrirait Alain Delon.

 

Qui alla voir « L’Ennui » ? Personne !

Qui hurla au chef d’œuvre ? Tout le monde !

Etrange époque que traversait le cinéma des années 60.

D’ailleurs Monica Vitti elle-même va tomber dans cet étrange piège Antonionien. Durant des années, elle se sentira complètement bloquée et se persuadera d’être incapable de faire quoi que ce soit artistiquement parlant sans Antonioni.



 On conspue publiquement les réalisateurs et les acteurs qui font recette et dont les films pulvérisent des records. On encense ceux dont personne ne voit les films ou dont le public brise les fauteuils de rage lorsque par mégarde il s’est fourvoyé à une de leurs rares projections. Le cinéma est à ma connaissance la seule entreprise commerciale et rentable qui se soit suicidée en insultant les gens qui consommaient leur produit et en produisant sciemment des choses dont personne ne voulait par snobisme pseudo intellectuel. Jeanne Moreau paiera cher son rôle d’égérie car le public lui retirera sa confiance et ne verra pas ses films durant plus de vingt ans.

 

La postérité retient ses rôles de l’époque oubliant que l’actrice à dû ses défaire de sa Rolls, s’est dépêchée de tourner avec Brigitte Bardot et a fini exilée aux Etats-Unis, mariée à William Friedkin et sans emploi. Il faudra attendre Bertrand Blier et « Les Valseuses » pour qu’elle retrouve un semblant de succès dans un film où…Elle ne fait que passer.


Un demi-siècle après que ces films aient été tournés, il reste inadmissible de ne pas s’évanouir d’extase en entendant le nom d’Antonioni et inacceptable de médire de son cinéma. C’est toujours comme en 1960, passer pour un ignare doublé d’un paysan inculte et d’un demeuré complet ! Et bien c’est mon cas et j’en suis fière.

 

Et s’il en est au moins une qui finit par penser comme moi…C’est peut-être bien Monica Vitti elle-même. « Mon personnage dans « L’Eclipse » est tout l’opposé de moi-même. C’est une femme sèche incapable d’aimer et à laquelle je n’ai toujours rien compris, sans doute parce qu’elle est trop intellectuelle pour moi ! Moi, je n’intellectualise rien du tout. Je vis, j’aime et c’est tout ! »


Sa collaboration avec Antonioni, sacralisée par la presse faisait d’elle l’actrice intellectuelle du cinéma. Et pendant qu’on l’interviewait à propos de la libération de la femme, l’avortement, le MLF, les seins nus, le Viêt-Nam, Mao Tsé Toung et les créations d’Emilio Pucci, elle voyait s’échapper les rôles de comédie qu’elle aurait adoré tourner au profit de Sophia Loren. Personne n’aurait osé la déranger dans sa tour d’ivoire pour lui proposer un brin de rigolade !

 

En 1963 elle s’échappe vers le cinéma français, tourne pour Vadim dans « Château en Suède » avant de donner la réplique à Guy Bedos dans « Dragées au Poivre ». Une courte respiration le temps qu’Antonioni prépare son film suivant et obtienne ses budgets de Carlo Ponti. Des budgets de plus en plus conséquents puisqu’il veut maintenant passer au technicolor pour « Le Désert Rouge ». Comme de bien entendu, l’intellectuel met tout le monde au parfum « La ligne dramatique de l’histoire ne m‘intéresse pas, je ne m’en occuperai pas, il n’y aura que des lambeaux de l’histoire, des fragments ! ». Autrement dit je ne raconterai pas l’histoire de mes personnages et qu’avec un tel discours il réussisse quand même à se faire produire est peut-être le plus extraordinaire de ses talents. Monica devint donc une femme dépressive pour la caméra couleur d’Antonioni qui cette fois lui offrit Richard Harris comme partenaire.


 Mais sur le plateau elle fit la rencontre de Carlo di Palma, le nouveau chef opérateur d’Antonioni.

Monica Vitti s’échappe, s’évade, elle fuit même si à l’époque elle déclare « Qu’est-ce que vous croyez ? C’est Antonioni qui m’a abandonnée ! » Plus tard elle reviendra sur ses dires et dira plus simplement qu’ils n’avaient plus rien à se dire, ne parvenaient plus à communiquer que ce soit artistiquement ou personnellement. Antonioni est alors prêt pour tourner ses films les plus intéressants Blow Up, Zabriskie Point.  Monica s’engouffre avec délectation dans la comédie et se lance dans de longues collaborations avec Ugo Tognazzi et Mario Monicelli.  



 Le compagnon de Monica, Carlo di Palma passera à la mise en scène pour le plaisir de la diriger.

Des collaborations qui feront crouler l’Italie de rire durant des années et qui feront enfin d’elle l’incontestable numéro un du genre ! Elle tourne toute une kyrielle de film à sketches où elle multiplie les personnages les plus déjantés confrontés aux situations les plus absurdes.

Elle forme des duos d’anthologie avec Claudia Cardinale, Marcello Mastroianni, Ugo Tognazzi et Alberto Sordi. Elle fait d’un film somme toute banal come « Le Canard à l’Orange » un éclat de rire du générique au mot fin.

 Elle alterne la comédie pure avec quelques films d’auteurs, on la verra quand même chez Pasolini, Buñuel, Dino Risi ou Ettore Scola.

Mais ce sont ses comédies qui font d’elle une des actrices préférées des Italiens vingt ans durant.


Il y aura encore un épisode assez paradoxal dans sa carrière, celui de « Modesty Blaise ».

 Le personnage, né dans une bande dessinée lui convient magnifiquement et les tenues déjantées qu’elle porte dans le film vont faire d’elle une éternelle icône de mode. Monica en Modesty est presque une révolution visuelle après avoir été une révolution intellectuelle ! Malheureusement la direction du film est confiée à Joseph Losey dont l’univers est bien loin de la bande dessinée. Le film sera un flop commercial doublé d’un échec critique. Monica restera à jamais célèbre pour Modesty Blaise, L’Avventura et L’Eclipse, trois films que personne n’a vus et qui font son image et sa gloire !


En 1968 Monica fait partie du jury au festival de Cannes. Son arrivée est fracassante. Sans lunettes elle a pulvérisé la porte vitrée du Carlton. Le festival de déroule en plein mai 68. Louis Malle barbu jure qu’il ne tournera plus qu’avec le commandant Cousteau ! Truman Capote voit la projection du film « Trilogy » annulée. Alors il pérore sur les marches du palais haranguant une bande de jeunes qui font un setting et insultent les CRS. Le tribunal des vieux cons, à savoir ces messieurs de la nouvelle vague qui vire au vieux clapotis exigent l’annulation du festival à tous ceux qui ne leur avaient rien demandé. 



Ils auront l’extrême grossièreté de chahuter durant la projection d’un film…Qui n’était pas un des leurs, la révolution a ses limites ! Le film de Carlos Saura leur fit meilleur usage à cette bande de sagouins. Carlos Saura qui, pour être tout à fait honnête s’était accroché dans les rideaux tel un vrai petit Jean Marais. Anouk Aimée, Sharon Tate et Roman Polanski sont pris en otages entre politique, cinéma et phénomène de mode contestataire. Finalement le festival s’arrête. Il n’y aura aucun palmarès. Monica fit quelques jolies photos se montra dans quelques robes et fila sans demander son reste.

 

La France qui restera engluée dans son snobisme nouvelle vague jusqu’à l’avènement de la pornographie considérée au début des années 70 comme une salutaire libération artistique ne fera que peu de cas des comédies où brillait Monica Vitti et seul un très petit nombre aura les honneurs d’une distribution hexagonale. L’image de l’actrice restera donc pour les cinéastes français l’image d’une intellectuelle engagée et ce n’est pas un hasard si André Cayatte fait appel à ses services pour dénoncer le pouvoir des marchands d’armes dans Raison d’Etat.

Les cinéastes français semblent considérer que Monica Vitti s’est égarée dans la comédie alors que sa vraie place était dans le cinéma d’Antonioni. On aura compris en me lisant que je pense le contraire !

Et qu’auraient ils pensé en réalisant que Monica Vitti s’était également engouffrée…à la télévision !


 La muse mettra tout le monde d’accord en retrouvant Antonioni en 1980 pour un baroud d’honneur. « Le Mystère d’Oberwald » sera leur cinquième et ultime collaboration.

 

 A l’avènement des années 80, Monica Vitti a un nouvel homme dans sa vie, Roberto Russo qui lui aussi la mettra en scène.


Mais Monica Vitti s’éloigne des écrans. Elle se fait plus rare, non que l’envie du jeu se soit émoussée mais elle n’a plus l’âge de Modesty, la cinquantaine, certes magnifique est venue, elle choisit ses rôles avec plus de parcimonie, elle ne tient pas à se perpétrer elle-même en jouant les blondes sexy et évaporées jusqu’à la maison de retraite. Elle donne des cours de théâtre, rédige ses mémoires, passe à la mise en scène d’un film qu’elle a écrit et qu’elle interprète « Scandalo Segreto ». Nous sommes en 1990, la décennie qui vient de s’écouler a été chiche en apparitions de Monica Vitti.  En 1995 on la découvre comme romancière lorsqu’elle publie « Le Lit est une Rose ».

 Elle est devenue rare et pourtant elle est une superstar en Italie où elle a glané douze prix d’interprétation en quelques années.

 Gina, Sophia, Virna et Claudia se sont faites elles aussi plus discrètes, Monica peut maintenant si elle le souhaite trôner seule au panthéon des actrices mythiques du cinéma italien.

 

Le destin hélas en décide autrement. Monica Vitti s’éloigne de la vie publique contrainte et forcée par la maladie d’Alzheimer.

Les premiers symptômes étaient apparus dès 1996.

Monica Vitti vivait toujours à Rome, ignorant qui est Monica Vitti ignorant même tout de ses 90 ans de vie lorsque la mort l’emporte le 2 février 2022.

 Celine Colassin


QUE VOIR ?


 1954 : Ridere ! Ridère Ridère !: Première apparition de Monica Vitti dans une comédie menée, selon la presse d’époque, tambour battant par Ugo Tognazzi. Il semble hélas que ce film ait disparu.

 1955 : Adrienne Lecouvreur : On retrouve Monica dans un film destiné à faire rutiler l’étoile de Valentina Cortese dans le rôle de la célèbre comédienne française qui avait déjà été personnifiée à l’écran en France par…Sarah Bernhardt d’abord et Yvonne Printemps ensuite.

 

1960 : L’Avventura : e film qui fait exploser le couple Antonioni-Vitti aux yeux du monde. Ils symbolisent soudain le modernisme  et  l’intellectualisme de la péninsule et leur réputation dépasse ô combien la qualité voire même l’intérêt du film. Les deux prochains volets de ce tryptique « La Nuit » et « L’Eclipse » seront encore plus ennuyeux. L’Avventura sera conspué au festival de Cannes. Le public a sifflé tout du long des deux heures et demie de cette œuvre où il ne se passe…rien et qui se termine sans explication de ce qui a été donné à voir.

 1961 : La Notte : Second volet du tryptique d’Antonioni en hommage à l’ennui. Cette fois c’est Jeanne Moreau qui porte le film comme une somnambule.

 1962 : L’Eclipse : Fin du tryptique. Antonioni s’offre Alain Delon pour tenter de drainer un vague public vers les salles.

 1963 : Dragées au Poivre : Quelle surprise de retrouver la muse antonionienne dans une comédie française assez navrante menée par Guy Bedos, Sophie Daumier, Francis Blanche et Jean-Paul Belmondo !

 1963 : Château en Suède : Monica dirigée par Roger Vadim avec des dialogues signés Françoise Sagan dans un film dont on parla beaucoup essentiellement pour la prestation d’actrice de…Françoise Hardy.

 1964 : Il Deserto Rosso : Toujours cette légende antonionienne qui fait que les films du cinéaste et de sa muse-compagne sont accueillis comme de nouveaux chefs d’œuvres de l’intellect humain.  La critique se pâma comme d’habitude devant la minutie d’un cinéaste ne laissant rien au hasard, ce qui aurait été un comble, vu la lenteur du film s’l avait quand même oublié des trucs en route et cela étant dit on s’extasia sur…Les couleurs ! Monica incarne ici une épouse psychiquement ébranlée qui tente de se suicider, enfin, peut-être, on n’est pas sûrs, après une morne soirée échangiste pendant que son fils effectue un grotesque simulacre de maladie.

 1965 : Le Bambole : Film à sketches qui fit beaucoup de bruit puisque Virna Lisi et Gina Lollobrigida furent traînées devant les tribunaux pour atteinte aux bonnes mœurs ! Monica quant à elle incarne une paysanne mariée à un pauvre, vieux, mal élevé et dominateur. Elle soudoie les loubards du village pour l’assassiner. Je n’en dirai pas plus, son sketch est un régal et il faut bine le dire, peut-être moins glamour mais bien meilleur que ceux de Gina et Virna. L’ultime poupée est l’allemande Elke Sommer.

 1966 : Modesty Blaise : En pleine espionnite aigue, Joseph Losey met en scène une Monica psychédélique et sublime. Les photos du film seront vues au moins autant que celles d’Ursula Andress en bikini dans James Bond. Monica en Modesty, à l’origine un personnage de bande dessinée, semble considérée comme la quintessence du look futuriste si cher aux années 60. Le film lui donnera à jamais ses galons d’icône du style. Le succès du film sera assez médiocre. Terence Stamp et Dirk Bogarde sont pourtant excellents et brillamment décalés et la belle Tina Aumont en profite pour faire ses débuts au cinéma.

 1966: Le Fate (Les Ogresses) Film à sketches encore où on la le plaisir, c’est un des grands avantages du genre, de croiser Claudia Cardinale, Capucine et Raquel Welch !

 1967 : La Ceinture de Chasteté : Une comédie italienne sans intérêt avec Monica et Tony Curtis.

 1969 : Amore Moi Aiutami : Alberto Sordi passe à la mise ne scène et se dirige lui-même en mari  trompé de Monica Vitti elle-même complètement perdue et sous la coupe de sa mère. Le film connaîtra un succès colossal.

 

1970 : Le Coppie : Encore un film à sketches où Monica retrouve son indéfectible Alberto Sordi

 1970 : La Pacifista, Smetti di Piovere : Monica face à Pierre Clémenti qui a les cheveux aussi longs que les siens

 1970 : Nini Tirebouchon : Ce n’est certes pas le film le plus connu de Monica Vitti ni le plus intéressant mais sa composition en artiste burlesque fin XIXème vaut très largement le détour. Claude Rich très inattendu en militaire coincé forme ave celle un excellent team de comédie. Sylva Koscina est également très convaincante en baronne de haute volée !

 1970 : Drame de la Jalousie : Monica Vitti dans un film sublime d’Ettore Scola. L’actrice retrouve Marcello Mastroianni qu’elle avait beaucoup troublé dans « La Nuit » d’Antonioni presque dix ans plus tôt.

 1973 : Polvere di Stelle : Retrouvailles du couple Sordi-Vitti pour une nouvelle comédie au titre sublime « Poussière d’Etoile ». Un petit bijou nous contant les déboires de deux artistes plutôt minables dans l’Italie de 1943. Une petite curiosité avec John Philip Law, l’ange aveugle de Barbarella ici en marin américain. En ce qui me concerne, ce film est mon film préféré de Monica Vitti.

 1973 : La Tosca : Luigi Magni adapte on ne peut plus librement le drame de Victorien Sardou, confiant la vedette de son film à Monica, Gigi Proietti, Vittorio Gassman et Umberto Orsini.

 1974 : Le Fantôme de la Liberté : Monica dirigée par Buñuel pour son avant dernier film. Le film est follement surréaliste, un mode d’expression cher à Buñuel mais qui désarçonnera toujours le grand public .

 1975 : Qui Comencia l’Avventura (Une Blonde, une Brune, une Moto) Ce film semble avoir dix ans de retard et a tout d’un film de 1965…Et je l’adore ! Monica retrouvait Claudia Cardinale, un duo qui a décidément les faveurs du public.

 1975 : A Mezzanotte va la Ronda del Piacere : Claudia Cardinale, épouse très bourgeoise et très soumise de Vittorio Gassman devient à son corps défendant jurée a procès d’assise de Monica meurtrière de son amant. L’expérience est un électrochoc ! Et le film un bijou !

 1975 : Le Canard à l’Orange : Monica avait débuté vingt ans plus tôt, à peine visible dans l’ombre d’Ugo Tognazzi. La voici devenue son épouse, jalouse de Barbara Bouchet qu’elle éclipse complètement dans une comédie un peu « au théâtre ce soir » mais incroyablement jubilatoire.

 1976 : Basta Che Non Si Sappia in Giro ! Film à sketches mené par Monica et Nino Manfredi.

 1976 : Mimi Bluette, Fiore del Mio Giardino : Il est parfois des rencontres inattendues, voici celle de Monica en prostituée 14-18 et de Shelley Winters !

 1978 : Per Vivere Meglio, Divertitevi con Noi : Film à sketches dont la mode faisait encore fureur en Italie. Monica ouvre le bal en ermite au sommet de l’Himalaya où elle attend un extra-terrestre.

 1978 : La Raison d’Etat : Monica se mêle un peu trop du commerce des armes et le paie très cher. Cayatte comme à son habitude dénonce, mais ce qui pouvait sidérer en 1978 est aujourd’hui connu de tous et pour tout dire rentré dans les mœurs.  Jean Yanne est parfaitement inquiétant.

 1979 : Letti Selvaggi (Les Monstresses) Farandole des actrices érotisantes de la décennie autour de Monica dont Laura Antonelli, Ursula Andress et Sylvia Kristel.

 


 1986 : Francesca è Mia : Monica vend des horloges anciennes et a gardé de bons rapports avec son ex mari qui l’a quittée pour sa meilleure amie. Un jour elle rencontre le jeune Pierre Malet, blessé, la nuit sur route déserte…Le thriller commence.


 

1990 : Scandalo Segreto : Flanquée d’Eliott Gould et Catherine Spaak, Monica apparaît pour la dernière fois au grand écran dans un film qu’elle a écrit et dirigé elle-même.

 


 

 

 

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