L’histoire de Silvia Solar c’est l’histoire de Geneviève Couzain qui vient au monde dans sa bonne ville de Paris honteusement occupée le 20 mars 1940.
C’est l’histoire d’une petite demoiselle qui ne rêve que de lac des cygnes et travaille la danse avec acharnement.
C’est l’histoire de cette petite demoiselle qui grandit jusqu’à devenir une très belle jeune femme qui débute comme girl dans « Un cheveu dans la soupe » puis dans « Une nuit au moulin rouge ».
Une jeune femme devenue si belle qu’on la compare à Sophia Loren et qui devient Silvia Solar en refusant l’idée de son agent qui voulait en faire une Sophia Solar.
L’histoire de Silvia Solar, c’est l’histoire d’une jolie brunette, lauréate de concours de beauté qui par la grâce de son perruquier devint une blonde platinée qui avait l’air de sortir d’un cabaret de Pigalle.
Elle avait fait des débuts au cinéma dans « c’est arrivé à 36 chandelles ». Une émission télévisée culte présentée par Jean Nohain. Des débuts fracassants. Non pas parce qu’elle se fit remarquer par le public ou par un producteur d’Hollywood. Elle avait choisi une robe verte pour jouer la jolie fiancée de Dominique Nohain et tout le monde s’était épouvanté. Ignorait elle la malédiction du vert chez les comédiens ? Oui Silvia l’ignorait et elle trouva cette superstition complètement stupide. C’est alors qu’elle fit son entrée sur le plateau, trébucha sur un câble et s’étala comme une crêpe à côté de la poêle devant toute une équipe hilare. La robe verte n’ayant pas survécu au vol plané pourtant fort réussi, Silvia dut se changer et se rallia à l’opinion générale : Plus jamais de vert pour elle puisque la preuve de la malédiction venait de se faire à ses dépens.
Avec son physique de vamp et ses débuts dans des comédies populaires où on croise plus souvent Fernand Raynaud que Gérard Philipe, elle se trouvait à coup sûr condamnée à la série B. Le cheptel de vamps pour durs à cuire à chapeaux mous affiche déjà complet avec Danielle Godet, Dora Doll, Pascale Roberts, Claudine Dupuis, Danik Patisson, Tilda Thamar et j’en passe des tombereaux. Silvia aurait pu sombrer en compagnie de Rita Cadillac dans la série B policière qui est au septième art ce que le bobinard est au boudoir de Marie Antoinette.
Il va se produire alors une chose étonnante. L’ère des productions internationales commence et Silvia est invitée pour un film en Espagne. On lui propose le premier rôle féminin dans « Les clairons de la peur » dans les bras de Francisco Rabal. Ce n’est pas rien.
A l’époque, tout le monde voyage. Bardot, Demongeot, Trintignant, Blier sont toujours fourrés en Italie pendant que Curd Jürgens et Romy Schneider campent en France. Silvia débarque donc en Espagne sans penser plus loin que le bout du film à tourner.
Seulement voilà…L’Espagne va s’enticher de Silvia dès la première sonnerie de clairon du film en question. L’Espagne en fait une star et Silvia Solar, à peine surgie sur les écrans français est perdue pour la patrie. Elle s’installe sous le soleil madrilène et les sunlights du cinéma ibérique.
Si la France peut tout compte fait regretter l’exil de cette actrice qui prouve sous d’autres cieux qu’elle avait l’étoffe d’une vraie star, Silvia, à contrario n’a rien à regretter. Les propositions qui lui sont faites par les productions ou coproductions françaises resteront au raz des trottoirs de Pigalle à une exception près. Celle de Christian Jacque qui la choisit pour jouer Margo dans « Madame sans gêne » au côté de…Sophia Loren !
Silvia Solar est donc une exilée. Une exilée dans un pays qui lui offrira une carrière prestigieuse de 30 ans. Et au passage, une belle histoire avec un torero. C’est une tradition ibérique pour toute actrice étrangère qui se respecte depuis le passage tonitruant d'Ava Gardner talonnée de près par Yvonne de Carlo.
Silvia aura tâté de tous les genres. Atteinte d’espionnite aiguë dans ses premiers films ibères, elle tâtera du western spaghetti, du film d’épouvante et même du cinéma érotique. On peut s’étonner de trouver dans la biographie d’une actrice qui a tourné avec Lino Ventura et Pierre Brasseur des titres tels que « Les enjambées ». Mais ces films sont le reflet d’une époque et tout le monde alors se tâte un peu. A savoir si on va ou non tomber sa petite culotte ou déboutonner son pantalon. Ce sont les années 70, c’est un univers en soi et incompréhensible aujourd’hui à des générations qui polémiquent sur le port du voile ou le droit à l’avortement. A l’époque, on trouve relativement normal de trouver à l’affiche d’un film érotique avec quelques cadors du genre, le nom de Silvia Solar ou plus inattendu, celui de Jacqueline Laurent, la petite fiancée de Jean Gabin dans « Le jour se lève ».
Silvia prendra sa retraite en 1988 après trois décennies bien remplies. Elle prendra sa retraite dans son pays d’accueil qui lui avait tout donné. C’est dans sa maison, dans la petite station balnéaire de Lloret del Mar que Silvia s’éteint, jeune encore, le 11 mai 2011. Elle avait soufflé sa 71ème bougie deux mois plus tôt à peine.
Celine Colassin
QUE VOIR ?
1957 : Une nuit au moulin rouge : Avec Tilda Thamar et Lisette Lebon
1957 : Les lavandières du Portugal : Avec Anne Vernon et Jean-Claude Pascal
1957 : C’est arrivé à 36 chandelles : Avec Dominique Nohain.
1958 : Bien joué, mesdames : Avec Eddie Constantine et Maria Sebaldt
1958 : Les clairons de la peur : Avec Francisco Rabal
1961 : Madame sans-gêne : Avec Sophia Loren et Robert Hossein
1961 : Despedida de soltero : Avec German Cobos
1962 : Vampiresas 1930 : Avec Mikaela et Yves Massard
1963 : Comme s’il en pleuvait : Avec Eddie Constantine
1963 : El precio de un asesino : Avec Julian Mateos
1963 : La verbena de la Paloma : Avec Concha Velasco
1964 : Relevo para un pistolero : Avec Alex Nicol
1964 : Llanto por un bandido : Avec Léa Massari, Lino Ventura et Francisco Rabal
1964 : Deux corniauds contre Cosa Nostra : Avec Franco Franchi et Moïra Orfei
1964 : Gibraltar : Avec Hildegard Knef et Gérard Barray
1964 : I due violenti : Avec Alan Scott
1966 : Pas de panique : Avec Pierre Brasseur et Alain Barrière
1967 : Monsieur dynamite : Avec Lex Barker et Maria Perschy
1967 : Agente Sigma 3 - Missione Goldwather : Avec Jack Taylor
1967 : Coplan ouvre le feu à Mexico : Avec Lang Jeffries
1967 : Gentleman Killer : Avec Anthony Steffen
1968 : Dynamite en soie verte : Avec George Nader
1970 : La Lola, dicen que no vive sola : Avec Serena Vergano et Mark Stevens
1973 : Las juergas de 'El Señorito' : Avec Fernando Sancho
1974 : Las correrías del Vizconde Arnau : Avec Valentin Tornos et Sylva Koscina
1974 : Les enjambées : Avec Valérie Boisgel
1974 : Serre-moi contre toi, j’ai besoin de caresses : Avec Anne Libert
1974 : La maison des filles perdues : Avec Sandra Julien
1975 : La maldición de la bestia : Avec Paul Naschy et Gil Vidal
1975 : Chats rouges dans un labyrinthe de verre : Avec Martine Brochard et John Richardson
1976 : Las ratas no duermen de noche : Avec Paul Naschy
1976 : La nueva Marilyn : Avec Agata Lys
1977 : ¿Y ahora qué, señor fiscal? : Avec Valentin Trujillo
1981 : Barcelona sur : Avec Alma Muriel
1987 : Adela : Avec Yani Forner
1988 : Sinatra : Avec Ana Obregón et Alfredo Landa